Espérer quand même
1962. Quelque 2000 évêques du monde entier, réunis au Vatican, ont travaillé et prié pendant quatre ans en concile oecuménique. Leur objectif ? Donner suite au voeu de Jean XXIII d’engager l’aggiornamento (mise à jour) d’une Institution multiséculaire dont la Mission est de témoigner de l’Évangile dans le Monde tel qu’il est, comme elle l’a réalisé au cours des siècles précédents, avec des hauts et des bas, dans le Monde tel qu’il fut. Une oeuvre considérable théologique, pastorale, spirituelle, aussi solide sur ses bases qu’ouverte à ceux qui ne partagent pas la foi catholique ! Une méthode de travail remarquable, respectueuse de la diversité des sensibilités, articulant les échanges en assemblées plénières et des travaux d’intersessions soutenus.
Avec une capacité de retour aux sources traditionnelles et bibliques, exemplaire, des débats sans concessions et au final le vote de documents dont les contenus n’ont pas fini d’impulser, de soutenir et de raviver le souffle de la Pentecôte.
Depuis, les Souverains pontifes qui ont succédé au Bon Pape Jean ont tous sans exception pris fait et cause pour ce concile de Vatican II, malgré des aléas qui ont mis des bâtons dans les roues de son application. D’un côté des fuites en avant accélérées par des interprétations confondant aggiornamento et révolution. D’un autre des coups de freins grinçants et des marches arrières passées au nom d’un fallacieux retour à la Tradition, au détriment de la nécessaire inculturation et des ouvertures attendues comme fruits principaux du Concile.
2017. Quatre prêtres du dio- cèse de Toulouse et de nombreux laïcs se souviennent (1). Témoins du souffle conciliaire, entrés jeunes dans son sillage, ils ont roulé leur bosse dans une grande diversité de situations et de ministères. Ils ont connu Mai 68, les départs douloureux de prêtres, l’impact des décolonisations sur les Missions, les engagements courageux d’Actions Catholiques et de Catéchèses (pas toujours faciles à harmoniser!), l’émergence de sensibilités spirituelles nouvelles, l’expérience des prêtres ouvriers, la diminution de la pratique religieuse … mais aussi aujourd’hui l’impact sur les comportements des réseaux sociaux informatisés et de la mondialisation, l’immigration, la montée d’intégrismes et tant d’autres problèmes insoupçonnables au milieu du siècle précédent.
L’âge aidant, ils auraient pu se morfondre dans le souvenir d’élans d’autrefois, renâcler devant des fermetures et des rétropédalages surprenants et, tels des grognards, continuer à se battre, déterminés, mais en remâchant ressentiments et jugements dépréciatifs envers ceux qui leur semblent tirer d’antiquailles des manières de se présenter et de faire surannées. Ils refusent ce parti. Ils préfèrent continuer de s’investir dans un renouveau ecclésial et missionnaire lancé par le Concile, largement ouvert aux responsabilités et aux initiatives des laïcs. Une Espérance les anime. Elle les tient jeunes dans la mesure où ils croient en la force d’un Esprit capable de bousculer les éteignoirs qui voudraient sinon l’éteindre au moins tempérer ses appels.
Et ils savent que la même espérance de fond soutient la vie spirituelle, la générosité et la fidélité de celles et ceux qui leur paraissent revenir à des us et coutumes obsolètes. Ce qu’ils ont écrit ne saurait flouter cette conviction. Parfois critiques toujours respectueux ils ne se veulent pas censeurs. La pointe de ce qu’ils écrivent est plus de l’ordre des questions que des affirmations. Les premières ouvrent, invitent à répondre, les secondes cognent, durcissent des défenses.
Heureux d’avoir à vivre l’Évangile dans une Église revigorée par le Concile, conscients de leurs propres limites, ils partagent les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses (2) de personnes, de communautés et de groupes en recherche avec eux de vérité, de justice et d’amour. Une expérience vécue comme une vive Espérance, stimulée aujourd’hui par l’exemple et les enseignements du Pape François ! Ils souhaitent la partager avec leurs lecteurs.
1) Auteurs de Espérer quand même (éd. Bayard). 19€. Site : www. lesfleursdelamadier.fr
2) Constitution conciliaire L’Église dans le monde de ce temps, n°1