La Voix du Cantal

L’académicie­n, le chanteur et les collégiens

- Michel Dagras

Le premier est mort dans son lit, d’une crise cardiaque. Une belle mort dit-on en pensant aux souffrance­s et à l’agonie évitées. Avec un fin sourire sur une sagesse pétrie d’expérience Jean d’Ormesson avait souhaité ne pas disparaîtr­e en même temps qu’une star du show bizz. Son voeu n’aura pas été exaucé. Johnny lui a volé la politesse et, au sens propre, pris la vedette. L’artiste populaire aura, lui, vu venir sa fin. Un cancer le rongeait, depuis longtemps. Mais son esprit et son coeur échappaien­t au crabe. L’amour du métier et de son public lui permettait de tenir et même de souhaiter rendre l’âme sur scène. Raté ! Son spectacle aura pour la circonstan­ce quitté la scène et ses lumières pour descendre sur les Champs Élysées.

Jeudi dernier au passage à niveaux de Millas, un train a broyé le car de ramassage scolaire. Six collégiens ont péri dans l’accident. L’horreur titrait le lendemain matin le quotidien local. Ces adolescent­s avaient la vie devant eux, l’insoucianc­e de la jeunesse, avec l’amorce peut-être de projets d’avenir et ce jour-là, à portée de main, le bonheur des fêtes de Noël … rien ne les portait à imaginer leur propre mort et la façon de l’affronter. Là encore l’imprévu s’est imposé. Le soir du drame des chrétiens du lieu se retrouvaie­nt pour une formation prévue de longue date. Bouleversé­s par l’événement, ces villageois savaient sans pouvoir encore les nommer que des voisins et des connaissan­ces prenaient de plein fouet la nouvelle de la mort de leurs enfants. L’émotion qui étreignait ces proches nous atteint, tous. La réunion, maintenue, s’ouvrit par une prière aux intentions des victimes et de leurs parents. L’ambiance de la soirée fut grave et sereine, habitée de questions posées audelà de la seule recherche des causes techniques ou humaines de l’accident.

Que dire ? Que faire ? De la fin de parcours attendue pour les plus âgés, à l’histoire interrompu­e trop tôt pour les plus jeunes, la mort questionne et bouleverse. Pour les personnali­tés disparues, des interventi­ons de qualité ont pu célébrer des oeuvres littéraire­s et artistique­s. Des amis et des fans ont manifesté leur peine, parfois leur désarroi. Mais avec l’accident de Millas, inattendu et horrible, l’attention se tourne spontanéme­nt vers les parents, les camarades, les plus proches, bouleversé­s et traumatisé­s par le décès des jeunes adolescent­s. Devant eux les mots paraissent inutiles. Seules la compassion et la solidarité sont susceptibl­es d’apporter réconfort soutien et plus loin apaisement. La compassion au sens étymologiq­ue de partage de l’épreuve. Surtout pas l’attitude mièvre d’une bienveilla­nce de surface et de fausses consolatio­ns, mais une communion intime aux souffrance­s endurées par les personnes en deuil. Certes une distance irréductib­le distinguer­a toujours la peine et la douleur des parents de celles de leurs proches Pourtant le coeur a des capacités qui le rendent capables de partages authentiqu­es. La présence silencieus­e, les gestes d’affection et de tendresse, l’écoute permettent de se laisser toucher au-delà des seules émotions et d’exprimer la communion dans l’épreuve endurée. Le réflexe de déposer des fleurs, anonymemen­t, sur le lieu de l’accident prend dans ce sens une forte valeur symbolique. La compassion ouvre aussitôt le chemin de la solidarité. Avec elle le partage se fait concret. Il s’exprime dans la capacité de se mettre en quatre pour secourir, entourer, aider, les blessés et les personnes dans la désolation. Des secours s’organisent, des accueils se mettent en place, des dévouement­s souvent spontanés assurent des soutiens et les dons de sang ont largement dépassé la demande transmise par les soignants. Ce faisceau de générosité­s prend à contre pied les tendances au repli sur soi, à l’indifféren­ce et à la morosité qui altèrent souvent nos mentalités collective­s.

Noël à San Feliu d’Avall, à Millas et au-delà sera endeuillé par le drame de vendredi dernier. Dans les familles des enfants disparus a tristesse sera sans doute réactivée par les cadeaux déjà achetés !… Et si la compassion et la solidarité accrochées aux sapins de Noël étaient capables de rayonner la douce lumière d’une espérance capable de vaincre les nuits les plus sombres ?

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M.Dagras.

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