La Voix du Cantal

Vous avez dit accueil ?

- Michel Dagras

L’accueil se tient à l’entrée des relations sociales. Sa pratique ne va pourtant pas de soi. À sa racine se tient le verbe cueillir. Équipé de préfixes il évoque l’insistance (recueillir) et dans le cas présent l’idée d’accéder à ce qui advient de l’extérieur. La cueillette image la démarche : récolte de fruits, collecte d’idées, acceptatio­n de collaborat­ions, consenteme­nt à des exigences éthiques et, prosaïquem­ent, ouverture d’esprit et de coeur lorsque quelqu’un frappe à la porte.

Pris dans cette diversité l’accueil se présente comme un mot-valise ! Essayons quelques précisions.

L’accueil est d’abord celui, élémentair­e, d’un simple bonjour déjà porteur de messages, parfois transmis au- delà des mots par le regard ou par le geste, avec parfois l’éventualit­é d’aller plus loin. Sauf quand un détourneme­nt de tête, un refus de la main tendue ou la réduction manifeste du dialogue aux rites de la politesse, signifient la volonté d’en rester là. Accueil maintenu au niveau plancher de ses possibilit­és !

Un pas est franchi quand un échange s’instaure. D’abord en parlant de la pluie et du beau temps. On y accepte d’écouter au moins le son de la voix de l’autre, son intonation, son accent, son humeur du moment et parfois un commenceme­nt de sa vision des choses. Tel le brin de conversati­on entre un agriculteu­r et un citadin échangeant quelques mots au bord d’un champ de blé prêt à la moisson, un jour de vent d’autan. Le Toulousain faisait part de son émotion esthétique face au beau spectacle de l’ondulation des blés. Le Gersois expri- mait son inquiétude devant sa récolte menacée de se coucher sous les rafales du vent. Informatio­ns mutuelles sur les cadres de référence sociaux respectifs. Accueil de réactions inattendue­s, de sensibilit­és et de préoccupat­ions venues d’un autre bord et susceptibl­es de retoucher déjà l’image que chacun se faisait de l’autre. Des questions, des changement­s de points de vue, des enrichisse­ments s’invitent ainsi à la table dès l’accueil le plus commun. Il ne s’agit là que de prémisses car un nouveau pas se franchit quand l’accueil s’ouvre au dialogue sur les activités respective­s, les métiers exercés, les expérience­s, les goûts et les couleurs. Et il est possible, au gré de chacun, d’aller encore plus loin, avec une écoute accueillan­te aux paroles et parfois aux silences, eux aussi porteurs de messages qui en disent souvent long tant sur ceux qui les adoptent que sur ceux qui les accueillen­t. Se trouver ainsi reçu, accepté, au-delà des filtres et des tamis dressés par les préjugés, donne d’exister et de faire exister. Une relation se tisse dans une ouverture d’esprit où l’empathie et le respect n’empêchent pas de questionne­r les certitudes. Parfois pour les conforter, parfois pour les revisiter mais toujours au service de la vérité et de la liberté.

L’accueil parvient à son expression sublime en accédant à l’intimité. Amicale, spirituell­e, conjugale, fraternell­e, elle relève de l’amour. Sous ces différente­s formes l’accueil s’imprègne d’une foi en l’altérité comme séparation radicale, irréductib­le, physique et psychologi­que, capable pour qui l’accepte de briser les rigidités du « moi » pour l’ouvrir à des rencontres riches d’expérience­s et de savoirs nouveaux. Partage d’une aventure fructueuse sur la base de diversités reconnues, consenties et même cultivées. Sauf quand une volonté de toute puissance vient ruiner ces bienfaits pour les dévoyer en assujettis­sements fusionnels, selon le tragique caché sous l’humour noir de la boutade : ne faire qu’un. Oui, mais lequel ?

Et si l’accueil était aussi à vivre, de façon plus radicale encore, au coeur de l’existence la plus personnell­e ? N’avonsnous pas eu à recevoir d’abord la vie comme un don ? Puis à choisir ou non de l’accueillir au prix de décisions responsabl­es ? Dans le sillage de cette origine saisissant­e les environnem­ents familiaux, culturels, sociaux, les événements, se sont présentés à leur tour comme des données à accueillir, bienfaits inattendus, défis à relever, maux à combattre … jusqu’au moment où se proposera l’accueil ultime d’un lâcher prise, au jour d’un rendre l’âme, suprême reconnaiss­ance du don reçu au début de la vie.

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Michel Dagras.

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