L’enfance via des cartes postales
À l’occasion de l’exposition à la Porte-Horloge, rencontre avec Gisèle Lefranc, qui, avec ses milliers de cartes postales, retrouve un goût de son enfance à Vire. La ville d’avant le bombardement de 1944.
« Naître et grandir dans le
Bocage autrefois » . Le thème de l’exposition sied bien à l’enfance de Gisèle Lefranc, qui est née et qui a passé sa vie à Vire. Cette collectionneuse a, au cours des dernières décennies, amassé toutes sortes d’objets témoins de leur époque.
Si bien, qu’au sein de l’exposition visible jusqu’à mi- septembre, plusieurs de ces précieux souvenirs sont visibles dans les salles muséographiques de la Porte-Horloge. Les robes de baptêmes, les assiettes à bouillies pour bébés « avec le bec où l’on mettait de l’eau chaude
pour que le plat reste chaud » , ou encore les habits de nourrice. « À une certaine époque, les nourrices gardaient les bébés toute la semaine et les parents, qui pouvaient être commerçants à Vire, les repre
naient le week-end » , indique Gisèle Lefranc, qui a grandi rue Emile-Desvaux, devant l’hôpital et à côté de son école pour filles. Sa maison actuelle n’est à quelques centaines de mètres des lieux de son enfance.
« Nous habitions devant l’hôpital. Notre maison a été rasée en 1944. J’avais dix ans. Nous sommes partis juste avant les bombardements » , indique la collectionneuse.
C’est là l’origine de sa passion, la collection de cartes, commencée il y a quarante ans. « J’avais été enfant dans la vieille ville de Vire. Je voulais la retrouver par la carte postale » .
Longue parenthèse de six mois
Revenir dans la ville qui mettra des années à se reconstruire n’est pas une mince affaire pour une enfant de 10 ans. « Nous sommes allés vivre en campagne et nous sommes reve- nus six mois après. Pendant tous ces mois, notre mère allait à Vire en vélo et revenait en nous disant, à moi et ma soeur :’’On n’a plus rien mes pauvres bichettes, plus de jouets, plus de linges…’’ » .
Au retour à Vire, « il fallait poser des planches pour passer au-dessus des trous des bombes. On apprenait petit à petit le décès de personnes que nous connaissions, même des camarades de classe » .
Corde à sauter sous les marronniers
Avec ses classeurs aux 3 000 cartes postales, Gisèle Lefranc ne se tarit pas sur la mémoire viroise. Les chantiers de la recontruction, les baraquements provisoires, les départs au bal avec les taxis du centre-ville. Et surtout le Vire d’avant-guerre. Les rues de l’insouciance. « J’ai joué à la corde à sauter sous les marronniers du parc de la place Saint-Thomas. Pendant les vacances, on allait en campagne avec la soeur Sainte-Agnès de Blon pour des promenades et du travail manuel » .
Mais, en campagne, après
la guerre, « il fallait se méfier car il pouvait rester des grenades… Avec ma soeur, nous restions dans notre cour pour jouer. Nous étions plutôt sages » .