Une longue histoire de pâte et d’encre
Vire.
Mercredi 20 juillet, la deuxième visite insolite proposée par l’office du tourisme a entraîné une douzaine de curieux sur les chemins de l’histoire viroise de la fabrication du papier à l’imprimerie.
Le papier de Vire et Shakespeare
Emmené par Georges de Coupigny, connaisseur de l’histoire locale, la visite a débuté dans une salle du musée de Vire dédiée à la fabrication du papier, habituellement fermée au public. Les visiteurs ont pu découvrir les auges de granite, moulin à foulon, étendoir, presse séculaire… « La région de Vire était idéale pour les moulins : il y avait de l’eau en abondance, les paysans étaient pauvres et avaient besoin de revenus en dehors des moissons. Dès le XVIe siècle, de nombreux moulins se sont installés dont ceux qui ont fait la renommée de Vire, les moulins à papier. Le papier de Vire était reconnu pour sa grande qualité ; il était exporté à l’international et c’est sur du papier de Vire que les premiers textes de Shakespeare auraient été écrits » , explique Georges de Coupigny. De la découpe des vieux chiffons faite par les enfants au séchage des feuilles sur les étendoirs, en passant par la broderie des tamis pour obtenir les différents filigranes, des ouvriers du papier dont l’espérance de vie ne dépassait guère les 40 ans ; les visiteurs ont pu tout découvrir. Les moulins disparaitront petit à petit dès le milieu du XIXe siècle, n’ayant pas réussi à prendre le virage de la modernisation.
La suite de la visite s’est déroulée dans les locaux de l’imprimerie Demortreux-Le Cornec, née il y a 70 ans sur l’impulsion de Jean-Etienne-Marcel Le Cornec, qui fonda également La Voix Le Bocage. « Le père Le Cornec a imprimé des tracts antinazis pendant la guerre » raconte Benoît Demortreux, propriétaire de l’entreprise depuis 1994.
Les défis de l’imprimerie
Benoît a partagé sa passion pour son métier, jusqu’à ses défis actuels. « Je pense pouvoir tenir encore 4 ans, après je ne sais pas à quelle sauce nous serons mangés. Impensable il y a encore quinze ans, il nous arrive aujourd’hui parfois de ne pas savoir le vendredi midi ce qu’on va faire le lundi suivant. En 1990, il y avait 10 000 imprimeries en France ; aujourd’hui, il n’en reste plus que 1 500. La seule chose positive, c’est que nous ne rejetons plus de déchets toxiques comme à l’époque. Nos encres sont végétales, nous utilisons du papier issu de la gestion forestière durable et nos déchets sont recyclés » .
La visite de l’imprimerie a éveillé l’intérêt de tous et beaucoup ont été impressionnés par l’imposante presse numérique, le massicot au couperet acéré, la cliquetante plieuse, le chuintement rythmé des deux vieilles presses cylindre typo et platine typo. Toutefois, elle a tout par- ticulièrement éveillé les souvenirs de deux visiteurs : Gisèle, retraitée du secteur, qui a immédiatement « retrouvé l’odeur de l’atelier » et Jean- Pierre Michèle, ancien imprimeur-typographe dont l’emplacement des caractères de plomb dans les casiers est resté gravé dans sa mémoire.