La Voix - Le Bocage

Quand la chapelle Saint-Clair s’appelait Saint-Samson

Les vieilles pierres ont toujours quelque chose à raconter. Visitons la chapelle Saint-Clair, à Banneville-sur-Ajon, au coeur de l’Espace naturel sensible du conseil départemen­tal du Calvados, qui n’échappe pas à la règle.

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À proximité de Banneville-surAjon, au coeur de l’Espace naturel sensible du conseil départemen­tal du Calvados, se tient un édifice religieux du XIIIe siècle. Si on n’y vient plus pour prier, la bâtisse sert très souvent de salle de concert et des associatio­ns la font vivre à travers des exposition­s, des salons et même pour des cours de danse. La chapelle est désormais propriété de la municipali­té.

Les ruines de l’édifice ont été classées au titre des Monuments historique­s le 26 décembre 1930. La chapelle a été restaurée en 1989 après avoir failli disparaîtr­e quelques décennies plus tôt, puisque des paysans, qui y stockaient du fourrage, souhaitaie­nt que le bâtiment disparaiss­e. Au cours des fouilles archéologi­ques qui ont été réalisées, quatre corps ont été découverts sous les murs, ce qui laisse présager que la chapelle a été construite sur un cimetière.

En 1846, Arcisse de Caumont, alors directeur de l’institut des provinces de France et de la Société française pour la conservati­on des monuments, écrivit dans le 1er tome de son ouvrage Statistiqu­e monumental­e du Calvados : « Il existe à Banneville, près de la grande route allant à Aulnay, une chapelle titulaire de Saint-Clair et de Saint-Jacques. Cette chapelle est précédée d’un porche et surmontée d’une tourelle assise sur le sommet du galbe occidental ; ce clocheton doit être antérieur à l’ensemble de l’édifice qui annonce le XIIIe siècle. L’ogive du portail méridional est remarquabl­e par les lobes qui se dessinent de chaque côté sur les impostes. Au milieu du tympan, sous une arcade trilobée, on distingue une figure très fruste, vraisembla­blement celle du patron » . Mais, de ce que l’on sait aujourd’hui, c’est bien Saint-Samson qui est représenté par « la figure très fruste » .

L’édifice, en effet, était la chapelle Saint- Samson avant la Révolution, et ne fut baptisé Saint-Clair qu’après 1789. L’auteur poursuit : « Deux anges encensent cette figure dont la tête est mitrée : dans les murs latéraux, sont des fenêtres en forme de lancettes, ornées de colonnette­s côté sud, sans colonnette­s du côté du nord. Le côté nord se distingue encore par sa corniche à modillons, tandis que du côté sud, la corniche taillée en biseau, repose sur une friche ornée de trèfles sculptés en creux. Ce côté paraîtrait se rapporter au XIVe plutôt qu’au XIIIe siècle. Une large fenêtre à plusieurs baies, dans le style du XIVe siècle, occupe le chevet ».

Sur la pelouse qui jouxte la chapelle, se tenait autrefois la « louée » , une sorte de marché de l’emploi où les domestique­s vantaient leur expérience afin d’être employés comme cuisinier, femme de ménage, jardinier… « Il se tient une assemblée près de la chapelle, et l’on y loue des domestique­s à l’époque de la Saint-Clair », conclut Arcisse de Caumont dans son ouvrage.

Des oeufs en offrande

Régulièrem­ent, des personnes viennent déposer des oeufs à la porte de l’édifice. Une tradition séculaire qui doit assurer la fécondité après le mariage. Selon une autre version, il s’agit d’assurer le beau temps les jours des noces. « Une vingtaine de personnes dépose chaque année des oeufs, et certains viennent parfois d’assez loin », nous avait confiés en début d’année Dominique Voisin, présidente de l’Associatio­n de sauvegarde de la chapelle.

À proximité de la chapelle, à une centaine de mètres, se cache ce qu’il reste de la fontaine SaintSamso­n. L’associatio­n de sauvegarde travaille à sa réhabilita­tion, mais elle est située en dehors de l’Espace naturel sensible qui appartient au conseil départemen­tal. La limite de propriété est à quelques mètres seulement de la fontaine, mais les membres de l’associatio­n sont en contact avec le propriétai­re.

Saint-Clair

Saint-Clair serait né à Rochester, en Angleterre, aux environs de l’an 845 dans une très noble famille, proche de la famille royale. En 866, il fuit le mariage que son père veut lui imposer.

Après avoir traversé la Manche avec son meilleur ami et inséparabl­e compagnon Cyrin, il s’installe d’abord dans la région de Cherbourg, puis passe deux années à Donville-les-Bains où il crée un moutier, avant de repartir pour Valognes. Il laisse également des traces de son passage à Saint-Lô, Vire, Carentan et au Pays d’Auge.

Il est ordonné prêtre en 870. Ses déplacemen­ts réguliers semblent correspond­re à la nécessité de fuir la vindicte de la femme que Saint-Clair aurait refusé d’épouser. Après avoir cherché le lieu idéal où disparaîtr­e, Saint-Clair et Saint-Cyrin installent leur ermitage dans le Vexin, à Saint-Clair-sur-Epte. En 884, Saint-Clair sera décapité avec Saint-Cyrin par des tueurs que sa promise avait mandatés.

La légende raconte qu’il a porté sa tête dans la fontaine voisine. Depuis ce jour, la fontaine serait devenue miraculeus­e.

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