Le dessinateur Chaunu planche sur le Conquérant
Le dessinateur Chaunu revisite le mythe de Guillaume le Conquérant, sur scène, à Caen, dans le cadre du 950e anniversaire de la bataille d’Hastings.
Chaunu, dessinateur de presse, présente jusqu’en décembre un spectacle hebdomadaire, au Café Mancel, à Caen (Calvados). Deuxième one-manshow pour le caricaturiste, qui, après avoir présenté son Histoire fendard de la Normandie, au cours de l’été 2015, revient avec un spectacle sur Guillaume le Conquérant. Chaunu y revisite le mythe de Guillaume, du bâtard à la figure historique. Organisé dans le cadre du 950e anniversaire de la bataille d’Hastings, cet événement est l’occasion pour le dessinateur de revenir en images et en blagues sur l’histoire du duché de Normandie. Entretien.
Votre premier one-manshow, L’histoire fendard de la Normandie, était une relecture personnelle et humoristique de l’histoire de France. En 2016, votre spectacle se concentre sur la figure de Guillaume le Conquérant, un personnage méconnu ?
« Parlez- moi de vous, Guillaume… » est une sorte de psychanalyse de Guillaume. Tout en s’amusant, il s’agit d’apprendre tout ce que l’on ne sait pas sur Guillaume, un personnage qui a marqué son temps, mais que le roman national n’a pas retenu. Les Anglais, eux, se souviennent davantage de ce roi anglais qui parlait mal anglais : il avait besoin d’un traducteur. Il faut dire que l’Angleterre a rarement été envahie, rarement soumise. Les Normands ont réussi un exploit avec les Picards, les Bretons et les Angevins. Les Normands ont dû se battre face aux rosbeefs, et l’armée du roi Harold, qui défendaient leur territoire. Guillaume est un héros aux multiples visages, entre barbarie et attachement fidèle à sa femme, Mathilde.
Il faut dire que Guillaume a un parcours particulier. À huit ans, alors qu’il est bâtard, il est choisi et il hérite du duché de Normandie. Un destin déjà peu banal, qui a forgé le caractère du Conquérant et sûrement accentué son côté sombre, car il a souvent été raillé sur son origine. Guillaume ne faisait pas dans la dentelle : les Alençonnais, auxquels il a coupé les pieds et les mains, s’en souviennent ! Guillaume était fidèle à son épouse, Mathilde. Une alliée de taille pour régner ?
Guillaume sans Mathilde n’aurait pu exister. Autant son père avait engrossé la fille d’un tailleur, rencontrée alors qu’elle lavait son linge, autant Guillaume a su choisir son épouse, qui appartenait à la lignée des Rois de France. Mathilde est une figure importante car elle a aidé Guillaume à gouverner.
Guillaume et Mathilde incarnent le couple fidèle, mais aussi le couple de souverains liés par le pouvoir.
Sa femme a dû administrer une grande partie du domaine, quand Guillaume était en Angleterre. Autant dire que Mathilde ne faisait pas tapisserie ! Elle a aidé son époux à installer un empire, avec Caen, comme capitale. La ville a été créée exnihilo. Il était difficile de gérer l’Angleterre et le duché de Normandie. D’ailleurs, aujourd’hui, cela perdure : on le voit avec les oppositions, dans le cadre de la réunification. L’idée est donc de raconter l’aventure de Guillaume, un homme de son temps. Tout ça peut paraître assez chiant, mais c’est assez drôle.
La tapisserie de Bayeux racontait déjà l’histoire en dessins. Vous reprenez le flambeau ?
La tapisserie de Bayeux a été la première bande dessinée, commandée à la gloire de Guillaume. On y suit l’histoire de sa famille, une famille recomposée. C’est très moderne ! La tapisserie, d’ailleurs, c’est un outil de communication, mais aussi le Facebook de l’époque. En tant que dessinateur, je m’inscris dans cette histoire. J’ai le droit de dessiner. Puis, les relations entre l’Angleterre et la France, c’est en plein dans l’actualité.
Pour vous, Guillaume le Conquérant est une figure de la modernité ?
Du XI au XXIe siècle, on peut faire des liens entre les époques. Par exemple, tout le monde veut aller en Angleterre, même si on y bouffe très mal. Cette attirance pour ce pays est quasi ésotérique. Le débat sur la sortie de l’Angleterre de l’Union européenne, le Brexit, c’est aussi au coeur de nos préoccupations.
En 2016, on célèbre le 950e anniversaire d’Hastings, mais c’est aussi votre 50e anniversaire.
Cette année, je fête mes 50 ans et j’emmerde le monde et je monte sur scène sans rien y connaître. Puis, j’ai joué à Caen, petit, dans le château. À l’époque, il n’était pas fréquenté : il n’y avait personne. Alors, jouer au château de Caen pour mes 50 ans… La boucle est bouclée.