« Il faudrait 10 à 15 € de plus »
Jean Turmel, le maire de Lassy (Calvados) est le secrétaire adjoint de la fédération nationale des producteurs de lait. Il dénonce les prix trop bas pratiqués par Lactalis.
Depuis combien de temps êtes-vous producteur ?
Cela fait trois générations que nous sommes producteurs laitiers. Je suis en Gaec avec mon fils de 31 ans qui m’a rejoint il y a cinq ans. Nous avons 80 vaches laitières et nous sortons 700 000 litres de lait par an.
Que dénoncez-vous ?
On traverse une crise laitière depuis 18 mois. Les prix sont trop bas. On était à 252 € les 1 000 litres de lait en juillet. 265 € en août. Il nous faudrait 10 à 15 € de plus. Lactalis nous explique en plus, que dans sa grande générosité, ils nous font grâce de 30 €.
Lactalis a-t-il la capacité d’acheter plus cher ?
Bien sûr ! Leurs concurrents le font alors que ce sont des entreprises (Bongrain, Danone ou des coopératives) plus petites pourtant. Alors pourquoi le leader mondial n’augmente pas ses prix ? Lactalis avance comme arguments les indicateurs du marché européen et mondial mais ils manipulent ces chiffres. Il y a un problème également de transparence dans leurs comptes qu’ils refusent de dévoiler. Lactalis préfère payer des pénalités plutôt que de les publier. Avec la Loi Sapin 2, qui on espère ira au bout, le groupe devra publier ses comptes.
Leurs contrats sont-ils contraignants ?
Pas plus qu’avec les autres groupes. On peut vendre à plusieurs clients. C’est une chose positive mais il n’est pas facile d’en trouver d’autres… Le point négatif, ce sont les pénalités si on dépasse les volumes. Il n’y a pas de souplesse. Cela limite aussi notre perspective de croissance.
Pourquoi ne pas aller ailleurs ?
J’y pense mais ce n’est pas facile…
Comment se porte votre exploitation ?
Je travaille à perte. On traverse une crise laitière depuis la fin des quotas laitiers au 1er avril 2015. Nous n’avons aucune capacité à dégager une marge. Même sur l’année ! Si on ne redresse pas la barre, personne ne va gagner de l’argent. Je pense notamment aux jeunes. Certains n’ont aucune rémunération depuis quelques mois et en plus il faut payer les factures.