La Voix - Le Bocage

Suzie Nédélec s’autorise une folie

À tout juste 28 ans, Suzie Nédélec vient de s’installer non loin de la forêt de Saint-Sever. La jeune passionnée de livres nous a ouvert les portes de son atelier « Reliures Sélune ».

- Suzie Nédélec, Reliures Sélunes. 8, place royale, 14 380 Saint-Sever. 02 31 67 98 15 (répondeur) ; atelier.selune@gmail.com ; www.reliures-selune.com. Également sur Facebook « Reliures Sélune »

Née à Aunay- sur- Odon en 1988, la jeune femme grandit entre Vire et Saint-Martin-Don. Suivant une scolarité sans problème, Suzie Nédélec se destinait au jardin.

« J’aimais connaître les différents végétaux et j’aimais surtout la partie artistique du métier de paysagiste. Le côté technique, en revanche, m’ennuyait beaucoup » , avoue-t-elle. Bac pro Sciences et Techniques de l’Agricultur­e en 2007, puis BTS Aménagemen­t Paysager en 2009, elle s’apprête à chausser les bottes et le chapeau de paille…

« Ça a été le déclic »

Toutefois, alors qu’elle a toujours aimé les livres mais persuadée qu’on ne pouvait pas en vivre, elle décroche un stage de quinze jours à la médiathèqu­e de Vire en attendant de reprendre le chemin du jardin.

« Durant ces quinze jours, j’ai souvent été amenée à rafistoler les livres abîmés. Ca a été le déclic, j’ai compris que c’était le métier que je voulais faire, que je voulais être relieuse » .

Déterminée, Suzie Nédélec retourne aussitôt sur les bancs de l’école, sa famille la soutient et l’aide financière­ment dans son parcours.

À Lisieux, elle prépare en un an, le CAP de reliure qu’elle décroche en 2013. Elle se forme auprès de profession­nels exigeants et passionnés, comme elle. L’apprentie relieuse multiplie les rencontres avec les relieurs installés sur le territoire Virois et ailleurs. Puis en 2015, elle obtient le Brevet des Métiers d’Art.

Une passion avant tout

Ouvrir son propre atelier, être son propre patron, était une évidence pour cette femme aux gestes aussi délicats et précis qu’elle a le caractère bien trempé. « J’ai mis du temps à trouver ma voix et aujourd’hui, c’est peut-être une folie, j’ai envie de vivre de mon métier. Même si c’est difficile financière­ment, j’ai plaisir à me lever le matin pour aller travailler » .

En vraie passionnée, Suzie témoigne déjà d’une culture du livre impression­nante et se montre intarissab­le sur le sujet et c’est avec un plaisir contagieux qu’elle explique les différence­s entre les reliures du XVII/XVIIIe celles du Moyen-Âge et de la Renaissanc­e, les différents matériaux utilisés aux différente­s époques, les techniques, les outils…

La jeune femme, qui regrette la disparitio­n progressiv­e des anciens relieurs et avec eux leurs savoirs, prend plaisir à partager sa passion. « J’aimerais avoir un jour entre les mains des trésors encore méconnus, à valoriser par une belle reliure, des manuscrits plein de ratures d’auteurs comme Rostand ou Hugo par exemple. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de voir le manuscrit original des « Misérables » lors de mon stage à la Bibliothèq­ue nationale de France à l’hiver 2015. J’aimerais aussi, un jour, avoir l’occasion de voir de près et de manipuler des chefs-d’oeuvre de la reliure du XVIe siècle comme les livres de Gomar Estienne, relieur du roi Henri II. Mais je suis heureuse aussi actuelleme­nt, lorsque je vois l’enthousias­me d’un client au moment où il retrouve son livre préféré refait à son goût » .

Se perfection­ner et apprendre

Déjà spécialisé­e dans la restaurati­on des livres du XVIIe et du XVIIIe siècle, mais toujours désireuse de se perfection­ner et d’apprendre, la jeune femme a prévu de faire un stage de confection de reliure gothique (XVe siècle) à Tours, au mois d’octobre prochain, pour apprendre de nouvelles techniques plus anciennes afin de se spécialise­r dans la confection de reliures traditionn­elles neuves dans les mêmes procédés d’époque pour des clients passionnés d’histoire du livre.

Suzie Nédélec n’exclut pas non plus la possibilit­é d’animer un jour des ateliers de reliure, « Ce sera pour plus tard, lorsque je me considérer­ai prête à transmettr­e mes connaissan­ces » .

Si vous voulez prendre contact avec Suzie, préférez le courriel au téléphone. La jeune passionnée passe ses journées dans son atelier et ne décroche presque jamais le combiné. Mais n’allez pas croire qu’elle est sauvage, c’est juste qu’elle a très souvent les doigts pleins de colle !

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Suzie Nédélec, en plein travail dans son atelier « Reliures Sélune » (du nom du fleuve manchot).

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