La vie cachée de Vivian Maier surexposée au théâtre
Le théâtre du Préau, Centre dramatique régional de Vire, présente une pièce écrite et mise en scène par Guillaume Poix, avec Aurélie Edeline. « Tout Entière », ou le destin incroyable d’une femme ordinaire produisant une oeuvre sublime, mais cachée.
Voici l’histoire extraordinaire de la photographe Vivian Maier. Elle est née en 1926 à New York et meurt en 2009 à Chicago. Sa mère étant française, une partie de son enfance se passe en France. Puis elle rentre définitivement aux États-Unis, en 1933. Jeune femme, elle devient nourrice, tout en ayant une passion : la photographie de rue.
Et chose incroyable : en 2008, 120 000 photographies sont découvertes totalement par hasard ! Elle a ainsi passé son existence à prendre de superbes photos dans le secret le plus total.
Ce récit n’a pas laissé indifférente Aurélie Edeline, comédienne permanente du théâtre du Préau. « C’est un rôle que je désirais jouer » , avoue-t-elle. Une commande d’écriture a donc été passée au jeune auteur et metteur en scène Guillaume Poix.
L’éclat de l’anonymat
Si la matière du récit est riche, il n’en demeure pas moins que le sujet nécessite le recours à un certain type d’écriture prenant en compte le jeu scénique. « Justement, l’écriture de Guillaume est très physique. C’est une écriture théâtrale, née du plateau » , soutient Aurélie Edeline. « Le récit est effectivement très fort, d’autant plus que le personnage demeure très énigmatique » , ajoute l’auteur.
L’image est omniprésente, autour de nous, par la télévision, le cinéma, la publicité, les réseaux sociaux, etc. Nous baignons dans une société de l’image. Or, Vivian Maier dissimule son travail.
Elle n’en a jamais fait publicité. Elle est restée anonyme. Et l’anonymat, cela dérange le siècle de la communication. Comme un trou noir absorbant la lumière !
Mais, il ne faut pas se tromper d’objectif, la pièce n’est pas une biographie théâtrale de Vivian Maier. Le véritable enjeu se situe ailleurs. Il s’agit bien davantage de la tentative d’incarnation d’un personnage au théâtre. Réflexion qui obsède depuis toujours l’art dramatique.
Explosante-fixe
Le défi du spectacle repose aussi sur la confrontation entre la photographie, un art qui fige le sujet, et le spectacle vivant, un art éphémère. Comment parler de la photographie par les moyens du théâtre ? « En convoquant le langage et le corps » , répond Aurélie. D’où l’intervention d’un chorégraphe : Thierry Thieû Niang. Qui favorise une mise en évidence du corps même de la comédienne, comme s’il était traversé par toutes les images prises par la photographe. Le travail sur le son, réalisé par Guillaume Vesin, démontre également la possibilité de réaliser la photographie sonore d’un lieu.
Toute la scénographie participe donc de la tentative d’incarnation d’un personnage. Mais, supposons que la véritable Vivian Maier revienne hanter le plateau de théâtre.
Pour interroger la comédienne sur la légitimité de son interprétation… Quel renversement du point de vue ! Le spectateur n’est pas au bout de ses surprises !