La Voix - Le Bocage

Le chantier Lidl suspendu ?

NANTES, 15 novembre 2016. Le rapporteur public a préconisé mardi à la cour administra­tive d’appel de Nantes de suspendre temporaire­ment le permis de construire octroyé en juillet dernier au Lidl de Vire pour déménager son magasin.

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La magistrate, dont les avis sont souvent suivis par les juges, estime en effet qu’un « doute sérieux » pèse sur la légalité de l’autorisati­on accordée par la mairie : elle n’aurait pas dû délivrer ce permis de construire dans la zone industriel­le du Gast, dans la mesure où les magasins de plus de 1.000 m2 doivent faire l’objet d’une autorisati­on préalable.

Or, si la demande de Lidl porte bien sur une surface commercial­e de « 999 m2 » , elle comprend aussi un « local non affecté » de 400 m2. Et « il se trouvera dans l’exact prolongeme­nt de la surface de vente, dont il sera séparé par une structure en bois aisément démontable » ,a relevé Christine Piltant dans ses conclusion­s.

« On ne sait pas à quoi va servir ce vide, on ne voit même pas ce que Lidl pourrait y mettre hormis un espace de vente » , a abondé de son côté l’avocate de la société Samad, qui exploite le supermarch­é Car- refour voisin et qui est à l’origine du recours. « Et il faut savoir que 1.400 m2, c’est précisémen­t le nouveau format des Lidl en France. »

L’avocate a ainsi dénoncé les « astuces » et les « manoeuvres » de l’ancien harddiscou­nter, qui déposerait « un peu partout en France » des demandes de permis de construire de bâtiments officielle­ment inférieurs à 1.000 m2 pour ne pas avoir à solliciter l’autorisati­on des instances départemen­tales de la Commission nationale d’aménagemen­t commercial.

Le rapporteur public Christine Piltant - qui a toutefois été désavouée lundi par la cour dans le dossier très médiatique du projet d’aéroport de Notre- Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) - a d’ailleurs elle aussi fait remarquer que la Commission nationale d’aménagemen­t commercial (CNAC) avait « attiré l’attention » de la cour sur la « tendance de Lidl à contourner la législatio­n » en matière d’urbanisme commercial.

« Ces pratiques sont tellement répétées que, si vous n’envoyez pas un signal fort, la pratique se répandra aussi chez les autres enseignes » ,a lancé l’avocate de Carrefour à la cour administra­tive d’appel de Nantes pour la mettre en garde.

La demande de permis de construire de Lidl avait d’ailleurs été déposée selon elle « dans la précipitat­ion » à la mairie de Vire, après que la CNAC ait désavoué en avril dernier ses instances départemen­tales : la commission nationale considère en effet qu’il n’y a « aucune garantie » sur le devenir de l’actuel magasin de la route de Flers, et regrette qu’il n’y ait eu « aucune étude de trafic » pour mesurer l’impact du déménageme­nt sur la circulatio­n.

« Aucun effort architectu­ral » n’a également été fait par Lidl pour son nouveau magasin, selon elle ; son parking, « entièremen­t de plain-pied » , ne comportera en outre « aucune place dédiée au co-voiturage, aux véhicules électrique­s et au co-voiturage » .

En attendant, Lidl n’a pas attendu l’examen du référé pour démarrer les travaux, au grand dam de son concurrent, qui a donc saisi la cour administra­tive d’appel de Nantes de cette demande de référé-suspension, une procédure d’urgence.

« Le rythme des travaux était tellement effréné que Lidl donnait l’impression de vouloir les avoir terminés avant l’examen de notre recours par votre cour » , a également lancé l’avocate de Car- refour aux juges nantais. « Lidl cherche à forcer la main de l’administra­tion, et la mairie de Vire aurait dû repérer le caractère très étonnant et frauduleux de sa demande. »

La mairie de Vire, impatiente d’en finir avec la « verrue » de la friche commercial­e de la rue de Caen, ne voit- elle pas où est le problème. « Peut-être que Lidl est de mauvaise foi, mais la commune, elle, est de bonne foi » , soutient son avocat. « Elle s’est prononcée sur les seules pièces du dossier, et il n’y avait aucun élément de nature à justifier le refus du permis. »

L’avocate de Carrefour lui a répliqué en fustigeant la « naïveté » de la municipali­té dans ce dossier ; elle a aussi critiqué le parti-pris architectu­ral du futur magasin Lidl, « alors que les nouvelles règles d’urbanisme visent à en finir avec la France moche et les « boîtes à chaussures » dans les périphérie­s des villes ».

L’avocat de Lidl, de son côté, a juré qu’il était « hors de question » pour ses clients de « recréer un magasin de 1.400 m2 sans passer par la commission départemen­tale d’aménagemen­t commercial » . « Ils s’exposeraie­nt à des sanctions pénales ou une fermeture administra­tive » , a-t-il insisté. Lidl ferait toutefois probableme­nt une demande pour exploiter ses 400 m2 de « surface non affectée » si son magasin venait à bien marcher « d’ici quatre ou cinq ans » , a-t-il convenu.

La cour administra­tive d’appel de Nantes, qui a mis sa décision en délibéré, devrait rendre son ordonnance dans les tous prochains jours. Si elle venait à suivre les conclusion­s du rapporteur public, le permis de construire de Lidl serait gelé jusqu’à l’examen du recours de Carrefour sur le fond du dossier./ GF (PressPeppe­r)

« Manoeuvres » de Lidl Un « rythme effréné »

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