« Exploiter les friches au lieu de grignoter les terres cultivables »
C’est le point de vue des principaux syndicats agricoles du Calvados. Ils plaident, notamment via une commission départementale, pour dépolluer les friches industrielles plutôt que de bétonner des terres cultivables, qui est plutôt la tendance actuelle.
Des centres commerciaux à la place des champs, des zones industrielles au lieu des cultures… Une tendance économique qui n’est pas inéluctable.
À ce sujet, une décision d’importance vient d’être prise début novembre. Il s’agit, selon un principe d’intérêt général, de compenser la perte de terre agricole. C’est la CDPNAF ( commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers), réunissant administrations, élus et représentants agricoles, qui décide des moyens à mettre en oeuvre à l’échelle du Calvados.
« Un seuil trop faible »
Début novembre, il a été décidé qu’un système de compensations sera désormais déclenché lors d’un projet d’urbanisation dépassant les 5 ha. Trop faible au vu des représentants syndicaux de la FNSEA, qui souhaitaient une compensation à partir d’ 1 ha.
« Le seuil peut être modifié à tout moment et c’est à nous de faire que cela change. Il y a aujourd’hui un certain nombre de friches industrielles qui ne trouvent pas preneurs. Il est plus facile d’exploiter des terres agricoles que d’utiliser ces friches » , déplore Patrice Lepainteur, agriculteur à Montchamp et président de la FDSEA 14.
« Notre indépendance alimentaire »
Mais de quel type de compensation on parle ? « La commission doit encore décider du montant à attribuer » , répond le syndicaliste. La FDSEA va plaider auprès de toutes les parties prenantes pour permettre, à chaque projet qui naît sur une ancienne terre agricole, de débloquer une somme servant à dépolluer des sites industriels afin de les réexploiter. Un montant payé par le porteur de projet. « C’est du bon sens pour éviter des consommations absurdes de surfaces agricoles, afin d’assurer, à long terme, notre indépendance alimentaire » , poursuit Patrice Lepainteur qui a notamment rencontré Joël Bruneau, maire de Caen « où de nombreux projets sont en cours sur des surfaces agricoles riches » .
Et le Bocage virois ?
« Dans un deuxième temps, nous allons rencontrer tous les élus, notamment des récentes communes nouvelles du département, comme VireNormandie » , précise le syndicaliste. Pour autant, « il ne faut pas que l’on habitue les maîtres d’ouvrage à accepter un surcoût, en mettant en place une nouvelle taxe. Il faut un montant vraiment persuasif » .
Christophe Voivenel, agriculteur de Vaudry et président de la Coordination rurale 14, syndicat majoritaire dans le département, est plutôt du même avis.
« L’aspect économique est privilégié aujourd’hui » , analyse le syndicaliste qui considère le secteur virois « peu touché, notamment les terres de première catégorie » , les meil- leures terres cultivables.
Il remarque toutefois, dans le Bocage, que « certaines surfaces passées en zone constructible ou certains lotissements n’attirent pas les habitants » et que « des terrains plats, plus facilement cultivables, sont également utilisés par les promoteurs » . « Des zones commerciales dans des petites bourgades sont parfois vides » , poursuit-il.
Le syndicaliste remarque cependant des projets positifs, « comme la construction de Lidl sur une ancienne friche, à Vire » . Plus généralement, il perçoit, sur ce sujet, « une prise de conscience » , mais déplore « l’absence d’outil » .
Un défaut qui semble en passe d’être réglé. Reste à savoir si les modalités seront suffisantes pour éviter que le béton ne soit trop gourmand.