La Voix - Le Bocage

Le vrai devoir de mémoire d’Antonin Dehays

Avec un regard neuf et singulier, Antonin Dehays revient sur le sort des 33 463 soldats américains morts au combat en Normandie en 1944.

- Combattre et mourir en Normandie. Les GI’s et l’expérience au feu, de la mort à la mémoire - Normandie 1944. Editions Orep, 500 pages, 24,50 euros. F. Leterreux

La guerre et les conflits en général ne sont pas le monde des bisounours. A la lecture du livre d’Antonin Dehays, Combattre et mourir en Normandie (aux Editions Orep), on en est encore plus convaincu. Dans ce pavé de 500 pages, issu de sa thèse de doctorat en histoire contempora­ine en 2009, l’auteur retrace le destin tragique des 33 463 soldats américains, marins, gardecôtes et aviateurs, tombés au champ d’honneur en Normandie au cours du printemps et de l’été 1944. 2519 sont tombés au cours de la première journée de la Bataille de Normandie le 6 juin 1944. La deuxième journée la plus meurtrière a eu lieu le 11 juillet avec 668 tués, notamment dans les violents combats dans le bocage et dans le secteur de Saint-Lô. « Des comporteme­nts irréaliste­s, que l’on ne voit nulle part ailleurs » sont évoqués dans le livre d’Antonin Dehays qui veut « rendre hommage à ces milliers d’hommes confrontés aux horreurs de la guerre. »

Pourquoi avoir choisi les soldats américains ? « Par honnêteté intellectu­elle, je ne pouvais pas traiter les armées allemandes » , confie l’auteur. « Ajouter les Anglais et les Canadiens aurait été un travail colossal. Au départ je voulais le faire, mais cela représenta­it une telle somme de travail que je me suis finalement limité aux soldats américains. De plus, j’ai la chance d’habiter près des archives nationales américaine­s. »

« Le feu rapproche les hommes »

Antonin Dehays a aussi fait le constat que « le feu rapproche les hommes quand ils se retrouvent dans une telle situation. D’ailleurs ce n’est pas pour rien que l’on utilise le terme de frères d’armes. » Il évoque aussi des sujets douloureux et délicats, comme les crimes de guerre : « Comme dans tout conflit, il y a des débordemen­ts. On sait qu’il y a eu des exécutions de prisonnier­s dans les deux camps. »

Et de citer en exemple une scène qui se déroule le 6 juin 1944 à Sainte-Marie-du-Mont où des paras de la 101e airborne tombèrent au milieu d’une batterie allemande. La plupart des prisonnier­s américains furent exécutés et certains mutilés.

En découvrant l’horrible scène, les libérateur­s ne firent pas de quartier à leur tour. Une escalade dans la violence dans toute son horreur.

Quant au patriotism­e qui peut animer les combattant­s, il relativise : « la plupart des soldats qui ont combattu en Normandie sont des jeunes hommes qui ont connu la crise de 1929, certains la misère. Pour eux être soldat est l’occasion d’avoir un salaire fixe. »

Il revient sur les mille et une façons de mourir sur les champs de bataille, ainsi que sur la création des cimetières militaires provisoire­s qui ont ensuite laissé place aux deux nécropoles natio- nales américaine­s implantées en Normandie. « 60% des familles ont décidé de faire rapatrier les restes de leur défunt en 1947. »

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