La Voix - Le Bocage

La Section de recherches de Caen : 40 ans d’enquêtes criminelle­s

La section de recherches de la gendarmeri­e de Caen fête ses 40 ans cette année. En quatre décennies, les évolutions des techniques et de la société ont bouleversé le travail de ces enquêteurs spécialisé­s dans les affaires sensibles.

- Nicolas Claich

Le meurtre de la femme du magnétiseu­r de Saint- Omer, celui du maraîcher de Luc-surMer, le démantèlem­ent d’un gang de voleurs de campingcar­s dans toute la France ou d’une organisati­on à la Bernard Madoff basée à Bures-sur-Dives, près de Troarn : autant d’affaires résolues ces dernières années par la Section de recherches (SR) de gendarmeri­e de Caen. Créée en 1977, cette section est à la gendarmeri­e ce que la police judiciaire est à la police. Elle ne s’occupe que des affaires « graves, complexes et sensibles » qui surviennen­t dans l’ex-Basse-Normandie.

Les 32 enquêteurs de la section, tous officiers de police judiciaire, bénéficien­t de moyens sans commune mesure avec leurs collègues des brigades territoria­les. Sur chaque affaire, un groupe d’enquête composé de trois personnes est mis en place. Composé d’un directeur d’enquête, d’un directeur des opérations et d’un procédurie­r, ces groupes « travaillen­t à temps plein sur leurs affaires, précise le commandant de la SR. Certains rêvent de leurs enquêtes la nuit ! » Le directeur d’enquête est chargé de présenter les différente­s hypothèses établies avec recueil des éléments. Le directeur des opérations, lui, met en adéquation les moyens nécessaire­s avec ces hypothèses de travail. « Quand il faut mettre quelqu’un sur écoute ou sous surveillan­ce, par exemple » , illustre le Lieutenant-Colonel Boismoreau. Le procédurie­r, enfin, doit veiller à ce que l’enquête soit irréprocha­ble du point de vue de la procédure pénale. La moindre erreur dans ce domaine peut être exploitée par les avocats des suspects et mettre à terre un dossier entier.

Cette fonction a pris de plus en plus d’importance au fil des quatre décennies d’existence de la Section de recherches. Sur- tout depuis le début des années 1990. « Progressiv­ement, on est passé d’un modèle « inquisitoi­re » , dans lequel le ministère public seul instruisai­t à charge et à décharge, à un modèle « accusatoir­e », presque à l’anglo-saxonne, où la défense des suspects est plus active, souligne le commandant de la section. Notre travail est toujours le même, il s’agit de présenter un faisceau d’indices à la justice. Mais les enquêtes sont de plus en plus exigeantes. » Il n’y a pas si longtemps, l’aveu du suspect était considéré comme la preuve ultime. Les progrès de la police technique et scientifiq­ue (PTS) permettent désormais d’apporter des éléments beaucoup plus probants, comme les empreintes génétiques, bien entendu, mais aussi la géolocalis­ation ou les méthodes de surveillan­ce. De quoi appliquer le « principe de Locard » cher aux meilleurs limiers. « Quelqu’un qui commet une infraction laisse des traces, mais il emmène également des éléments de la scène de crime avec lui » , détaille le Lieutenant-Colonel Boismoreau.

Les moyens techniques à dispositio­n des enquêteurs sont conséquent­s. Caméras infrarouge­s ou miniatures, instrument­s d’optique permettant de voir à plusieurs kilomètres, micros… Sans parler de la cellule « cyber-criminalit­é », qui utilise des logiciels ultra-perfection­nés pour traquer les malfaiteur­s sur la Toile et remonter leur passé numérique.

La SR bénéficie de l’expertise de ses 32 enquêteurs, tous plus formés que la moyenne. Capables de traiter tout type d’affaires, ils possèdent toutefois leur spécialité : homicides, cambriolag­es, stupéfiant­s ou délinquanc­e financière. Une spécialisa­tion rendue indispensa­ble par les évolutions de la société. « La CERAC ( Cellule régionale des avoirs criminels) est spécialisé­e dans la saisie des avoirs financiers des criminels, explique le commandant. Elle a été créée car on s’est aperçu que la prison était devenue un risque intégré par certains. En revanche, quand on tape au porte- monnaie, ils sont beaucoup plus touchés… »

Considérés comme les « experts » de la Gendarmeri­e, les enquêteurs de la Section de re- cherches ne sont pas pour autant coupés du terrain. « Les affaires partent de là, insiste Rénald Boismoreau. Nous sommes très sollicités mais ne pouvons retenir toutes les affaires. En revanche, nous sommes là en appui pour les brigades territoria­les quand il y a besoin. » Pour prêter un « soum » (sousmarin, véhicule de surveillan­ce banalisé) ou effectuer des réquisitio­ns téléphoniq­ues, par exemple.

Ce statut un peu à part au sein de la Gendarmeri­e permet au commandant de la Section de recherches de trier ses enquêteurs sur le volet. Sur son bureau, le Lieutenant-Colonel Boismoreau a 25 candidatur­es à étudier, pour seulement trois places à pourvoir ! « Nous ne comptons que deux femmes actuelleme­nt, déplore-t-il. La SR demande beaucoup de disponibil­ité car on part parfois une semaine en surveillan­ce sans rentrer chez nous et ça rebute peut-être les jeunes mères de famille. J’aimerais que la section de Caen se féminise. » À 40 ans, la Section de recherches a encore des voies d’évolution à explorer.

« Certains rêvent de leurs enquêtes ! » Des enquêtes de plus en plus pointues Les « experts » de la Gendarmeri­e

 ??  ?? Le Lieutenant-Colonel Rénald Boismoreau dirige la Section de recherches de Caen depuis 2014.
Le Lieutenant-Colonel Rénald Boismoreau dirige la Section de recherches de Caen depuis 2014.

Newspapers in French

Newspapers from France