La Section de recherches de Caen : 40 ans d’enquêtes criminelles
La section de recherches de la gendarmerie de Caen fête ses 40 ans cette année. En quatre décennies, les évolutions des techniques et de la société ont bouleversé le travail de ces enquêteurs spécialisés dans les affaires sensibles.
Le meurtre de la femme du magnétiseur de Saint- Omer, celui du maraîcher de Luc-surMer, le démantèlement d’un gang de voleurs de campingcars dans toute la France ou d’une organisation à la Bernard Madoff basée à Bures-sur-Dives, près de Troarn : autant d’affaires résolues ces dernières années par la Section de recherches (SR) de gendarmerie de Caen. Créée en 1977, cette section est à la gendarmerie ce que la police judiciaire est à la police. Elle ne s’occupe que des affaires « graves, complexes et sensibles » qui surviennent dans l’ex-Basse-Normandie.
Les 32 enquêteurs de la section, tous officiers de police judiciaire, bénéficient de moyens sans commune mesure avec leurs collègues des brigades territoriales. Sur chaque affaire, un groupe d’enquête composé de trois personnes est mis en place. Composé d’un directeur d’enquête, d’un directeur des opérations et d’un procédurier, ces groupes « travaillent à temps plein sur leurs affaires, précise le commandant de la SR. Certains rêvent de leurs enquêtes la nuit ! » Le directeur d’enquête est chargé de présenter les différentes hypothèses établies avec recueil des éléments. Le directeur des opérations, lui, met en adéquation les moyens nécessaires avec ces hypothèses de travail. « Quand il faut mettre quelqu’un sur écoute ou sous surveillance, par exemple » , illustre le Lieutenant-Colonel Boismoreau. Le procédurier, enfin, doit veiller à ce que l’enquête soit irréprochable du point de vue de la procédure pénale. La moindre erreur dans ce domaine peut être exploitée par les avocats des suspects et mettre à terre un dossier entier.
Cette fonction a pris de plus en plus d’importance au fil des quatre décennies d’existence de la Section de recherches. Sur- tout depuis le début des années 1990. « Progressivement, on est passé d’un modèle « inquisitoire » , dans lequel le ministère public seul instruisait à charge et à décharge, à un modèle « accusatoire », presque à l’anglo-saxonne, où la défense des suspects est plus active, souligne le commandant de la section. Notre travail est toujours le même, il s’agit de présenter un faisceau d’indices à la justice. Mais les enquêtes sont de plus en plus exigeantes. » Il n’y a pas si longtemps, l’aveu du suspect était considéré comme la preuve ultime. Les progrès de la police technique et scientifique (PTS) permettent désormais d’apporter des éléments beaucoup plus probants, comme les empreintes génétiques, bien entendu, mais aussi la géolocalisation ou les méthodes de surveillance. De quoi appliquer le « principe de Locard » cher aux meilleurs limiers. « Quelqu’un qui commet une infraction laisse des traces, mais il emmène également des éléments de la scène de crime avec lui » , détaille le Lieutenant-Colonel Boismoreau.
Les moyens techniques à disposition des enquêteurs sont conséquents. Caméras infrarouges ou miniatures, instruments d’optique permettant de voir à plusieurs kilomètres, micros… Sans parler de la cellule « cyber-criminalité », qui utilise des logiciels ultra-perfectionnés pour traquer les malfaiteurs sur la Toile et remonter leur passé numérique.
La SR bénéficie de l’expertise de ses 32 enquêteurs, tous plus formés que la moyenne. Capables de traiter tout type d’affaires, ils possèdent toutefois leur spécialité : homicides, cambriolages, stupéfiants ou délinquance financière. Une spécialisation rendue indispensable par les évolutions de la société. « La CERAC ( Cellule régionale des avoirs criminels) est spécialisée dans la saisie des avoirs financiers des criminels, explique le commandant. Elle a été créée car on s’est aperçu que la prison était devenue un risque intégré par certains. En revanche, quand on tape au porte- monnaie, ils sont beaucoup plus touchés… »
Considérés comme les « experts » de la Gendarmerie, les enquêteurs de la Section de re- cherches ne sont pas pour autant coupés du terrain. « Les affaires partent de là, insiste Rénald Boismoreau. Nous sommes très sollicités mais ne pouvons retenir toutes les affaires. En revanche, nous sommes là en appui pour les brigades territoriales quand il y a besoin. » Pour prêter un « soum » (sousmarin, véhicule de surveillance banalisé) ou effectuer des réquisitions téléphoniques, par exemple.
Ce statut un peu à part au sein de la Gendarmerie permet au commandant de la Section de recherches de trier ses enquêteurs sur le volet. Sur son bureau, le Lieutenant-Colonel Boismoreau a 25 candidatures à étudier, pour seulement trois places à pourvoir ! « Nous ne comptons que deux femmes actuellement, déplore-t-il. La SR demande beaucoup de disponibilité car on part parfois une semaine en surveillance sans rentrer chez nous et ça rebute peut-être les jeunes mères de famille. J’aimerais que la section de Caen se féminise. » À 40 ans, la Section de recherches a encore des voies d’évolution à explorer.
« Certains rêvent de leurs enquêtes ! » Des enquêtes de plus en plus pointues Les « experts » de la Gendarmerie