La Voix - Le Bocage

MÉTIER D’ANTAN. « C’était un cordonnier… »

« Et loin de beaux discours, des grandes théories, à sa tâche chaque jour, on pouvait dire de lui, il changeait la vie » Goldman en a fait l’un de ses titres phares et pourtant la cordonneri­e a connu des époques plus fructueuse­s, et plus encore depuis que

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Les boutiques de cordonneri­e se font beaucoup plus rares mais Vire en compte encore deux. Ce métier consiste à réparer les chaussures. C’est le travail exercé par Christian Lebastard, installé au centre commercial du Val de Vire, et de Magali Lung, qui exerce dans sa boutique 1, rue Victor Hunger.

Pour Christian, « la cordonneri­e ne marche plus comme avant » : « Je ne dirais pas que le métier se perd mais d’ici trois ans en France, environ 700 départs en retraite sont prévus. C’est ce qu’on a dit à mon fils lors de sa formation. Depuis plusieurs mois, c’est difficile. Ce qui nous sauve, c’est le multiservi­ces avec un service de reproducti­on de clés, un peu de maroquiner­ie et aussi du cirage. »

Un métier qui se féminise

Pour la cordonnièr­e Magali : « Ce n’est pas facile, ce n’est plus la cordonneri­e traditionn­elle comme autrefois, ce métier a changé. Mais il se féminise de plus en plus. En ce qui me concerne, ma salariée Laurie est une femme. » Et à Laurie de confirmer les dires de sa patronne : « J’ai des amies cordonnièr­es à Flers, à Saint-Lô et même au Pont-del’Arche. Les femmes sont plus minutieuse­s et possèdent la touche du goût et de l’harmonie des couleurs en plus. »

Peu de formations

Malgré la difficulté de ce métier, certains jeunes ont pourtant décidé de l’exercer, à l’instar de Chrys Lebastard, le fils de Christian, actuelleme­nt en formation Afpa pour devenir cordonnier. « J’ai découvert ce métier par le biais de papa. L’autonomie m’a attiré. En France, il n’existe pas trop d’endroits pour se former en cordonneri­e mais, j’y suis parvenu avec une formation de 10 mois à Cholet. Dans cette session d’une quinzaine de stagiaires, je suis le plus jeune et le plus âgé a 51 ans » , souligne le vingtenair­e.

11 cordonnier­s auparavant

Et côté clientèle, les cordonnier­s affirment qu’elle est très variée mais dépasse souvent l’âge de 30 ans. « Je suis dans un quartier où les jeunes sont nombreux et font aussi partie de ma clientèle. Les femmes sont plus nombreuses à faire réparer leurs chaussures » , sourit Christian « En règle générale, les hommes viennent plutôt faire réparer des chaussures de bonne qualité » , ajoute-t-il.

Le cordonnier voit passer tous les types de chaussures : des bottines aux chaussures basses, cuir et synthétiqu­e, mais peu de tennis ou basket, « et de plus en

« C’est difficile »

plus des chaussures Made in China qui ne sont pas toujours compatible­s avec une réparation solide » , déplore Laurie.

Les cordonnier­s préfèrent travailler avec du véritable cuir, comme l’explique Henri Lepetit, cordonnier virois retraité aujourd’hui âgé de 91 ans qui exerçait au 34 rue d’Aignaux : « À mon époque, je travaillai­s principale­ment sur du cuir véritable. Chaque semaine, plus d’une centaine de paires de chaussures passaient entre mes mains. J’aimais beaucoup mon métier. Je me suis installé à l’âge de 20 ans et après Lénault et Saint-Jean-Le-Blanc, je suis arrivé à Vire dans les années 60. À l’époque, nous étions 11 cordonnier­s. Tous n’avaient pas suffisamme­nt de travail. »

La relation de confiance qui unit l’artisan et son client est capitale dans l’exercice de ce métier : « Quand on a confiance en son artisan, on y revient », déclare une cliente croisée ce matin-là à Laurie.

Se diversifie­r

Pour les artisans basés à Vire, l’heure de la retraite est encore loin. « Aujourd’hui, il est indispensa­ble d’avoir un 5e rayon autrement dit un rayon vente diversifié entre cirages, lacets, maroquiner­ie et reproducti­on de clés » , considèren­t les profession­nels. « Mais, nous ne possédons pas tout : dernièreme­nt, une dame est entrée dans la boutique et a demandé des chaussures pour chiens. Malheureus­ement, je n’ai pu satisfaire la cliente mais ça existe » , relate Laurie.

Le dicton

Et alors les cordonnier­s sontils les plus mal chaussés ? « Pas certain ! Mais il est vrai que nous passons beaucoup de temps à s’occuper des chaussures de nos clients et que nous oublions parfois les nôtres » , sourit Laurie. Un avis que ne partage pas Henri Lepetit : « Certaineme­nt pas ! Chez moi, je n’aurais pas apprécié que mes enfants portent des chaussures abîmées. Je trouvais toujours du temps pour les réparer. Et aussi pour les cirer ! »

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Laurie, la cordonnièr­e et l’apprenti émilien de la boutique de Magali Lung.
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Christian Lebastard, cordonneri­e « La Tatane », avec Colette, une cliente.

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