Vire : 15 jours décisifs pour le chantier de Lidl
Le rapporteur public a préconisé mardi 30 mai à la cour administrative d’appel de Nantes d’annuler le permis de construire octroyé par la mairie de Vire à Lidl.
Ce permis de construire avait déjà été temporairement suspendu par la même cour en novembre dernier, à la demande de la société Samad, qui exploite le Carrefour Market. Elle soupçonne en effet Lidl d’avoir « artificiellement » découpé son magasin en deux parties, avec une surface de vente de 999 m2 et un « local non affecté » d’un peu plus de 400 m2.
En passant sous le seuil des 1.000 m2, l’ancien hard- discounter avait ainsi pu se passer de l’autorisation de la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) : en avril 2016, cette dernière avait désavoué ses instances départementales. Il n’y a en effet « aucune garantie » sur le devenir de l’actuel magasin de la route de Flers, selon la CNAC, et « aucune étude de trafic » n’a été réalisée pour mesurer l’impact du déménagement sur la circulation.
La mairie a delivré un permis modificatif
Lidl - qui avait donc déposé auprès de la mairie de Vire-Normandie une demande de permis de construire « dans la préci
pitation » , selon le magasin Carrefour Market - a toutefois dû stopper ses travaux après la suspension ordonnée par la cour en novembre dernier. Il a néanmoins obtenu entre-temps, le 12 mai dernier, un permis de construire modificatif.
Selon son avocat, ce dernier précise les conditions d’implantation du fameux mur qui doit séparer la « surface de vente » de ses « réserves » : d’une épaisseur de « 45 cm » et « sans ouvertures » , cette cloison qui était initialement « amovible » est désormais « fixée dans la dalle, le plafond et les murs latéraux » et est donc « tout à fait inamovible » .
Mais ce permis de construire modificatif est « sans incidence » sur la légalité de la décision contestée, selon le rapporteur public. La magistrate - dont les avis sont souvent suivis par les juges, et qui avait déjà traité le dossier lors de l’audience de novembre 2016 - a ainsi trouvé « assez surprenant » que le nombre de places de parking soit identique, alors que la surface de vente est censée avoir été diminuée de 30 % par rapport au projet initial retoqué par la CNAC…
Neuf dossiers identiques en France
Elle a donc proposé à la cour administrative d’appel de Nantes d’annuler le permis de construire, non pas sur des considérations urbanistiques, mais dans la seule mesure où il autorise Lidl à exploiter son magasin. Le rapporteur public a suggéré en conséquence de condamner la ville à verser 1.500 € à la société Samad pour ses frais de justice.
Appuyant ces conclusions, l’avocate du magasin Carrefour Market a ainsi listé « neuf dossiers identiques » de magasins Lidl en France, qui tentent de se passer d’une autorisation de la CNAC en découpant « artifi- ciellement » ses bâtiments. A Chevigny-Saint-Sauveur (Côte d’Or), près de Dijon, Lidl aurait ainsi formulé une « demande d’extension » de sa surface de vente de 999 m2… « cinq mois » seulement après son ouverture.
L’avocat de la ville, pour sa part, a maintenu que le « local non affecté » de Lidl n’est pas « purement factice » . Celui de Lidl, de son côté, s’est dit « un peu perdu » par les conclusions du rapporteur public : « tout un tas de juridictions » , comme le tribunal administratif de Montpellier (Hérault) ou les cours administratives d’appel de Bordeaux (Gironde) et Nancy (Meurthe-et-Moselle), ont rendu des décisions contraires dans des cas similaires. Les juges nantais, qui ont mis leur décision en délibéré, rendront leur arrêt dans deux semaines.