La magie des Ritours
Il est des lieux qui gardent à jamais en eux les échos de leur passé malgré la roue du temps qui tourne emportant avec elle jusqu’aux plus petits lambeaux d’histoire. Le moulin des Ritours est un de ces lieux au pouvoir d’attraction indéniable.
« Un doux esclavage »
Depuis deux ans et demi, Sandra et Luc vivent donc au rythme très exigeant, intense et bouillonnant du lieu. Ils n’ont de cesse que d’embellir l’espace, d’en apprendre plus sur l’histoire du moulin des Ritours. Tout leur temps libre est entièrement dédié au lieu. « Un doux esclavage » comme ils le qualifient eux-mêmes, en souriant. Il n’est pas une séance de défrichage ou de jardinage qui n’aboutissent à la découverte d’un tesson, d’un vestige de la « manufacture » dont l’installation aux Ritours remonte au moins au 17e siècle. « Pour le moment, le plus vieux document que nous ayons trouvé attestant de l’existence du moulin à papier date de 1680 » , explique Luc, exhibant fièrement le document transmis par Georges de Coupigny, vice-président « spécialiste de l’histoire du papier » de l’AVPPS (Association pour la Valorisation du Patrimoine en Pays Séverin). Un ami du couple, architecte, a même daté l’un des murs entre le 9e et le 11e siècle.
Un lieu chargé d’histoires
À voir les nombreux vestiges encore présents sur le site, il n’est pas nécessaire de faire de gros efforts d’imagination pour visualiser la vie du moulin. Le dur labeur des dizaines de femmes, d’hommes et de bêtes qui travaillaient là. Le grondement de l’eau, le grincement de la grande roue de bois, le battement des lourds pilons frappant les déchets de tissus pourris, les ordres criés par le patron, le cliquetis des mécanismes, les odeurs fortes qui s’échappent des cuves, la chaleur insupportable de l’été, le froid qui mord les doigts l’hiver… Trois cents ans après, les Ritours racontent leur histoire aux promeneurs. Quant à Sandra et Luc, plus ils en découvrent l’histoire, plus ils en demandent comme sous le coup d’un sort. Et ce ne sont pas les « petites » histoires qui se glissent au milieu du flot de l’Histoire (avec un grand H) du lieu qui va les guérir de ce doux ensorcellement. Comme celle, véridique, de l’altercation entre le maître papetier et le seigneur de Saint Manvieu qui, furieux pour d’obscures raisons, débarqua un jour au moulin l’arme au poing ou encore celle de Maître Lemoine et de son secret.