Pour changer la vie des hôteliersrestaurateurs normands : Tiphaine au piano !
Audacieux. Pratique. Généreux. Trois mots qui résument l’esprit d’une plateforme pour l’emploi dans le secteur de l’hôtellerie-restauration. Son porteur, Tiphaine Guyon, jeune femme de Caen la Mer de 37 ans, envisage d’accorder l’offre et la demande.
Un piano de cuisine fait l’unanimité auprès des chefs pour les multiples fonctionnalités qu’il propose. Notamment il permet d’atteindre simultanément plusieurs objectifs. La métaphore fait sourire Tiphaine Guyon, la conceptrice de la plateforme qui aidera les jeunes sortis de l’école hôtelière à trouver, enfin, l’emploi qui correspond à leurs compétences. De son côté, l’employeur pourra recruter, à temps, la bonne personne au bon poste. Le salarié saura instantanément à qui s’adresser pour proposer ses services. Tout simple. « Il fallait y penser » . Tiphaine est passée par hasard dans ce secteur d’activité.
Elle vient de l’université, où elle a fait des études de lettres ( Bac + 4) obtenu un Master Métiers de la Culture. Après quelques années de « galère » et « des petits boulots plus tard » , elle décide de se réorienter dans l’hôtellerie-restauration, pour préparer, au Lycée Rabelais (Ifs) avec succès un CAP (Certificat d’aptitude professionnel). « Mon idée n’était pas d’ouvrir un restaurant mais de proposer des événements culturels gastronomiques. »
Pendant sa formation en alternance, celle que ses camarades considéraient comme un « OVNI » va s’imprégner de la culture du milieu professionnel, connaître les besoins des employeurs comme les soucis des apprentis et des salariés (recrutements difficiles, conditions de travail à la limite du raisonnable, incompatibilités d’humeur entre les employeurs et leurs personnels, etc.). « Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose » d’autant que la situation économique du secteur prend de l’importance et affiche des « inepties » .
Aussi curieux que cela puisse paraître, le secteur d’activité « hôtellerie- restauration » est un secteur en tension, explique Tiphaine Guyon : les employeurs ont des emplois mais ne trouvent pas les personnes pour les occuper. « Environ 2 jeunes sur 5 parmi les sortants d’une formation aux métiers de l’hôtellerie-restauration ont passé, au total, plus de six mois au chômage au cours des trois premières années de vie active » . Le secteur est l’un des secteurs d’activités économiques les plus importants de la Normandie, créateur d’emploi et participant à son rayonnement national et international : 75 % des salariés du tourisme sont ceux de l’hôtellerie-restauration ; 27 % des jeunes Normands sont touchés par le chômage et ne trouvent pas leur voie.
De plus ce secteur connaît « le plus fort taux de décrochage scolaire » . Les plus fragiles abandonnent leurs études en cours de route. D’aucuns subissent leur vie faute de moyens ou d’accompagnement… Ceux qui sont sans emploi n’ont pas davantage de chance d’être recrutés alors même qu’ils sont inscrits à Pôle Emploi, qu’ils consultent les annonces et qu’ils se croyaient visibles, commente un analyste. Comment en sortir ?
Pourquoi les jeunes abandonnent-ils leur formation ? Le diagnostic établi renforce la motivation de la jeune femme, qui veut préparer l’avenir professionnel de ses camarades à travers son propre parcours. Comment éviter le décrochage de ceux qui évoquent une embauche comme motif d’abandon ? Phénomène observé par la fédération hôtelière ( Fafih, dans un rapport d’enquête OpinionWay 2017).
Un secteur en tension Projet pilote avec le lycée Rabelais Premier réservoir de maind’oeuvre de Normandie
C’est à ce lourd dilemme que Tiphaine tente de répondre par une approche pragmatique et humaine. Ce projet que « je mène actuellement avec le lycée François Rabelais d’Ifs a pour objet le développement d’une plateforme d’emplois et de stages dédiée aux métiers de l’hôtellerie- restauration, s’appuyant sur un réseau professionnel, RéseauRabelais, constitué, dans un premier temps, des anciens élèves, des élèves et des pro- fessionnels partenaires du lycée ». La mise en place d’une expérimentation, d’envergure régionale, a vocation à s’étendre après sa première étape pilote avec le lycée Rabelais et permettra de renouer des liens entre l’école et l’entreprise.
En moins de deux ans, une telle plateforme peut être opérationnelle moyennant un coût environ de 200.000 € ( mise en place du réseau, création des applications, développement et animation de la plateforme, etc.). Sans pour autant se substituer aux organismes dédiés pour cela, le projet présenté par Tiphaine Guyon vaut pour son efficacité, sa simplicité et son incontestable utilité. Il pourrait contribuer à renforcer le statut de l’hôtellerie-restauration dans l’économie normande, en tant que « premier réservoir de main-d’oeuvre de Normandie » . On sent une petite effervescence dans le recrutement depuis 2016 en Normandie. Pôle emploi vient de publier le résultat de son enquête sur les besoins de main-d’oeuvre : 15,8 % des entreprises normandes envisagent au moins une embauche. L’hôtellerie - restauration arrive en tête. Autre signe : le nombre de traiteurs a plus que doublé en 5 ans.