La Voix - Le Bocage

Une journée avec un médecin

Installé depuis 20 ans dans son cabinet du 18 route de Sept-Frères à Saint-Sever, Frédéric Chapon nous a ouvert les portes de son quotidien. Nous l’avons suivi le temps d’un après-midi, durant l’une de ses tournées à domicile.

- Laura Baudier

Nous avons tous en tête cette image d’Épinal du médecin de campagne sillonnant quelques routes sinueuses et escarpées, se rendant par monts et par vaux de maisons en maisons au chevet d’un patient mal en point. Mais est-ce bien toujours le cas aujourd’hui ? Frédéric et Isabelle Chapon se partagent un cabinet à Saint-Sever-Calvados. Pour Frédéric Chapon, la semaine s’organise entre consultati­ons au cabinet et visites à domicile. Si les visites sont très demandées, elles ne peuvent toutefois pas toutes être satisfaite­s : « L’essentiel des visites concerne des gens qui ne peuvent pas du tout se déplacer au cabinet. Nous sommes obligés de faire venir au cabinet des gens qu’on voyait avant en visite. » Il regrette de voir le nombre de médecins décliné : « Nous sommes moins nom- breux qu’avant à assurer les soins sur le territoire, ce qui entraîne une surcharge de travail.»

Une « ubérisatio­n » de la Santé ?

« Pour le moment ça va, mais tout juste. On travaille à flux tendu. Ce serait la catastroph­e si l’un de nous deux arrêtait car il n’y a pas de relève. La santé est victime d’un choix politique : pendant 20 ans il y a eu une volonté de ne pas former de médecins. Je me désole de voir un système qui était bien doté et qui fonctionna­it se dégrader et s’asphyxier : aujourd’hui, les soins sont distribués au compte-gouttes. J’ai l’impression que le système de santé est sacrifié alors que la Santé est notre ciment démocratiq­ue et notre fierté » , déplore Frédéric Chapon qui a peur que la profession « s’ubérise » avec des systèmes tels que la télémédeci­ne. « J’ai peur que le contact se perde, alors que la relation humaine est fondamenta­le. »

Des moments privilégié­s

Frédéric Chapon tient absolument à continuer ses tournées, qu’il considère comme indispensa­bles : « Ce sont des moments privilégié­s qui nous permettent de nous rendre compte de l’environnem­ent réel des gens, parfois d’un dénuement, il y a un vrai intérêt humain pour le médecin également ; mais il faut que ça reste gérable en terme de temps. » Ces visites sont également l’occasion pour le médecin, qui aime à « avoir des journées variées » de rompre l’isolement de certains de ses patients : « Nous essayons de créer du lien autour d’eux en nous reposant sur des personnes de confiance pouvant nous appeler en cas de problème : un voisin par exemple. Nous travaillon­s en équipe avec les infirmiers, les kinésithé- rapeutes, etc. »

« Préserver ces visites »

À bord de sa voiture, et à la manière d’un François Cluzet dans le magistral film Médecin de campagne, Frédéric Chapon parcourt la campagne séverine, dans un rayon d’environ 10 km autour de Saint-Sever-Cavados. Alors qu’en une matinée, il peut recevoir jusqu’à 25 patients dans son cabinet, il n’en verra qu’entre 5 et 8 en 4 h de visites à domicile : « J’aime bien les deux mais c’est techniquem­ent plus simple d’examiner en cabinet. Et puis parfois on gère les rendez-vous chez les spécialist­es » , souligne le « Docteur » . Un travail supplé- mentaire toutefois compensé par la gentilless­e de ses patients : « Nous sommes toujours très bien accueillis, les gens sont contents de nous voir. Il faut savoir préserver ces visites tout en étant conscient que notre emploi du temps est chargé et qu’on ne peut pas aller voir tout le monde… »

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