Ronaldo et Paloma, ou l’errance des enfants Roms jusqu’en Normandie
C’est l’histoire de deux adolescents albanais, amoureux, parents d’un bébé d’un mois, qui fuient les réseaux mafieux. Séparés par les autorités, c’est à Caen qu’ils veulent vivre.
Ça se passe chez nous, au coin de la rue, là tout près. Mais on l’ignore, on ne l’imagine pas ou pire, on s’en fout. C’est pourtant une réalité pour des dizaines, des centaines de migrants.
Des mineurs souvent, des adolescents encore, quoique la rudesse de leur existence les a déjà propulsés dans des réflexes d’adultes, sont brinquebalés par les règlements, les lois, les mesures d’expulsion. Sans compassion.
Froideur d’une administration débordée par la misère, dont les moyens d’agir se limitent trop souvent à des mesures expéditives.
Ronaldo et Paloma, sa jeune épouse, sont de ceux-là. Ils ne sont pas Afghans, ou Erythréens poussés hors de chez eux par la guerre. Ils sont Albanais. Ils sont Roms. Chassés de partout. Nulle part chez eux. Et aujourd’hui séparés, lui dans un camp en Allemagne, elle et leur petite Amira née en juin, dans un foyer à Lyon.
Expulsés de France après un nouveau rejet de leur demande d’asile, le jeune couple veut se retrouver. « On a été renvoyés en Allemagne tous les deux alors que Paloma était prête d’accoucher » .
La petite est née du côté de Cologne. Mais la maman, mineure, sera renvoyée par la police allemande vers ses parents hébergés dans un centre d’accueil de Lyon. Le jeune papa, lui, Ronaldo doit être renvoyé en Albanie.
Au squat de Fleury-sur-Orne
« Mais c’est en France que je veux retourner, pour retrouver Paloma et ma fille. Et puis aussi parce qu’en France, on est mieux considérés… » . Et c’est à Caen que le jeune couple reviendra. A coup sûr. Ronaldo, ses frères et soeurs, et ses parents ont déjà fait le voyage plusieurs fois. « On vient en bus depuis l’Albanie. Trois jours de voyage » . A Caen ils ont leurs points de repère. Et la communauté Roms est importante ici. « On vivait au squat de Fleury-sur-Orne. Ma mère allait chercher à manger dans les poubelles du supermarché de là-bas. »
Au cours d’un premier séjour à Caen, Ronaldo, 17 ans, a voulu intégrer une formation de mécanicien. « C’est mon métier, mais pour travailler ici il me faudrait un diplôme… » Dans un lycée professionnel de l’agglomération, on voulait bien le prendre. « Mais j’avais pas la tenue obligatoire. Et j’avais pas de sous pour l’acheter… » Ronaldo n’ira donc pas au lycée. Il est pourtant brillant le gamin au raisonnement d’adulte, comme en témoigne son niveau de français. « J’ai appris tout seul ». Dans la rue en fait.
Choisie par un réseau de prostitution
Pourquoi Ronaldo et sa famille ont- ils quitté l’Albanie ? Parce qu’ils étaient persécutés chez eux, non pas pour des raisons politiques, quoique, mais plutôt parce que le pays est en partie tenu par des gens peu recommandables. « Des gens voulaient prendre ma femme pour l’envoyer en Italie… » Paloma avait été choisie pour rejoindre un réseau de prosti- tution. « Ils sont même venus la chercher le jour de notre mariage. On s’est sauvés… » raconte le jeune père de famille.
A Caen, ils sont nombreux à venir s’échouer. Pour un temps, dans l’espoir d’être autorisés à rester. Mais souvent, leurs demandes sont rejetées et des familles entières sont expulsées. Avant de revenir.
Plusieurs familles sont actuellement hébergées dans un squat de la rue de Falaise. Des enseignants bénévoles viennent faire l’école aux gamins. Pendant l’hiver, plusieurs familles dont des enfants en bas âge avaient dormi sur le trottoir à la gare, alors que l’hiver n’était pas terminé. Tout cela se passe chez nous, devant chez nous…
Heureusement, des associations, des collectifs, des particuliers ne restent pas insensibles.