AGRICULTURE. Bienvenue à la Ferme des Bilous !
À Saint-Germain-de-Tallevende, quatre jeunes hommes, la vingtaine frémissante, ont décidé de se lancer dans une aventure : celle de l’auto suffisance alimentaire et énergétique en se lançant dans le maraîchage biologique. point de vente à la ferme devrait également être organisé un jour par semaine. « Au départ, ce sera une toute petite production : environ 20 paniers de légumes hebdomadaires » , explique Antoine qui espère, par la suite, cultiver 45 espèces de légumes et 200 variétés. « On verra ce qui plaît le plus et ce qui pousse le mieux ici. À terme nous voudrions créer une sorte d’Amap. »
Relancer le marché Un projet de vie
Un cercle vertueux
Des haies brise-vent, un verger et des engrais verts seront également présents sur les parcelles. « Les engrais verts sont des plantes, céréales, ou légumineuses qu’on fait pousser pour détruire la matière organique et fertiliser le sol » , explique le jeune maraîcher. Le maraîchage bio se fera uniquement avec des outils manuels, pas de tracteur ni de motoculteur. Sur les légumes, un système de paillage permanent permettra que le sol ne soit jamais à nu. Une partie restera en zone naturelle afin d’héberger la faune et la flore locale. « Le but est d’avoir un écosystème stable, une bonne biodiversité, de manière à ce qu’il n’y ait pas de nuisibles grâce aux prédateurs qui se chargeront de réguler les populations » , ajoute Antoine.
« Une de nos valeurs piliers est de se passer au maximum de ressources non renouvelables, tels que l’énergie et les métaux : c’est pourquoi tous nos déplacements sont à vélo ! » .
Question revenus, les quatre compères souhaitent réduire la charge de travail : « Le revenu sera suffisant à nos besoins, nous avons tablé sur 400 €/ mois. On veut se réserver du temps pour faire autre chose sur place : faire notre propre bois, un peu de céréales pour faire le pain, créer un système mécanique hydraulique car nous ne serons pas reliés au réseau électrique, etc. » Un projet d’auto-construction d’une maison en torchis avec des ressources locales est également dans les tuyaux ainsi qu’un projet de ferme pédagogique.
Un parcours atypique
Et pourtant les études d’Antoine étaient loin (même très loin !) de le destiner à un tel avenir ! Originaire d’Amiens, il intègre l’école centrale de Lille qui le destine davantage à la finance ou au management qu’à l’agriculture ! Mais dès sa classe préparatoire, « je pensais déjà à faire quelque chose de différent » , explique l’ingénieur généraliste, diplôme qu’il a obtenu en septembre dernier, qui ne se retrouve pas vraiment dans les valeurs véhiculées par sa filière. Il a « envie d’autre chose, de quelque chose de plus manuel, un métier qui fait sens. » Au cours de ses années d’études, de ses lectures, rencontres et échanges, « mes valeurs se sont affinées. »
C’est parti !
L’an dernier, au cours de sa dernière année d’étude, « le projet était de plus en plus construit dans ma tête. » Il rédige un projet de montage de ferme puis part en woofing (participation dans une structure d’agriculture biologique) en Irlande et en France puis effectue cinq mois de stage dans une ferme maraîchère biologique, La Ferme de la Grande Rivière, dans la Sarthe. « Cette expérience m’a donné confiance en moi pour me lancer dans mon projet » , explique Antoine. Alors c’est parti ! Avec ses trois acolytes rencontrés sur les bancs de l’école, au sein de l’association « Ingénieurs sans frontières », ils décident de se lancer dans l’aventure ! Reste maintenant à trouver un lieu « où la pluviométrie est correcte et les paysages sympas. » Le choix collectif se porte sur un terrain de 4 hectares à Saint-Germainde-Tallevende, au Moulin Per- reux. Si le terrain est plus grand que celui initialement prévu (de 1 hectare), cela ne leur pose pas de problème, au contraire : « Ça va permettre d’accueillir d’autres personnes. »
En proposant un autre mode de vie, de fonctionnement, de consommation, que le modèle dominant aujourd’hui, les quatre maraîchers ont envie de « se faire plaisir et d’imaginer un modèle viable, qui pourra encore être reconductible : les ressources en pétrole commencent à baisser… Inciter les gens à se poser des questions, à les sensibiliser, sans pour autant ériger de dogme. »