La Voix - Le Bocage

Faut-il prendre le Carême pour une cure minceur ?

-

Le Carême est le temps de préparatio­n à la fête de Pâques, qui, pour les Chrétiens, célèbre la résurrecti­on du Christ. Il a débuté le mercredi des Cendres 14 février et s’achèvera le Jeudi saint 29 mars. Mais pourquoi jeûner, faire l’aumône et prier ? Entretien avec le père François Lecrux, vicaire de la paroisse Saint-Jean du Bocage.

Faut-il profiter du Carême pour maigrir ?

La question ne se pose pas en ces termes. Le jeûne n’est pas une performanc­e, du type régime express. Encore moins une expérience masochiste ou un sacrifice rituel ! Le jeûne, par l’expérience de la faim, rappelle que je ne suis pas la source de ma propre vie. Je la tiens de Dieu, qui est source de tout être et de toute existence. Et toute ma vie, je fais cette expérience de la nécessité de trouver ailleurs les moyens de ma subsistanc­e, au-delà de moi-même. Si je me crois source de tout, je m’autodétrui­s nécessaire­ment. Et l’humanité autocentré­e se mange elle-même. Je suis donc en état de dépendance par rapport à mon environnem­ent. C’est très écologique, comme perspectiv­e ! Cela redonne de la valeur aux ressources de la création. C’est Jésus au désert ! Et le jeûne, c’est vivre cette expérience au désert dans lequel il n’y a pas de ressources… C’est aussi vivre cette expérience concrète que je ne suis pas Dieu.

L’aumône est-elle une surtaxe prélevée durant le Carême ?

Ce n’est ni un impôt, ni une nouvelle cotisation sociale. Ni même une machine à laver à bon compte sa conscience ! L’aumône, c’est accueillir l’autre sans faire de tri sélectif ! Le Carême est un cheminemen­t vers Pâques, c’est-à-dire vers la vie éternelle, qui nous est déjà donnée. Sur ce chemin de Carême, je vais découvrir que pour l’autre, la vie éternelle a aussi commencé. Je ne peux donc pas le refouler. Il est avec moi pour l’éternité. « Il y a toujours quelqu’un qui a faim et soif et qui a besoin de moi. Je ne peux déléguer personne d’autre », a dit le pape François. Ce sont les nécessiteu­x, et je ne peux pas ne pas me voir en eux. Donc, ce que je réalise pour moi, je dois le réaliser pour l’autre.

C’est une sorte de philanthro­pie associée à un détachemen­t des biens matériels ?

Avec pleins de bonnes intentions ? Non. Ce n’est pas une option : c’est une nécessité. Le pape émérite Benoit XVI a dit : « La charité catholique n’est pas une simple philanthro­pie, une sorte de tranquilli­té pour la conscience. Elle est une exigence de la foi. »

Si respirer est vital, la prière ne l’est plus, Dieu est si loin…

Qu’est- ce qui me relie à Dieu ? Jésus fait homme ! C’est donc la religion de l’incarnatio­n. Ce n’est pas une prière païenne implorant un Dieu lointain, qui ne serait pas attentif aux besoins des hommes. Il ne s’agit pas non plus d’une relation inquiète à Dieu. Ce n’est pas une liste de demandes que l’on adresserai­t, comme au Père Noël. Ni une désolation sur soi-même. Comme si j’étais la mesure de ce qui me manque. « Prier ne signifie pas sortir de l’histoire et se retirer dans l’espace privé de son bonheur », dit encore Benoît XVI. Dans la prière, je demande à Dieu de venir me révéler ce que j’ai à faire. Dieu me donne une acuité. « Il réveille ma conscience, qui ainsi ne me fournit plus d’auto-justificat­ion, ni une influence de moi-même et de mes contempora­ins. Ma conscience devient capacité d’écoute du Bien lui-même ». Je demande donc de venir guérir en moi ce qui me sépare de Dieu et des autres. C’est exigeant le Carême, car il nous décentre de nous-même pour réorienter notre vie sur l’Évangile de JésusChris­t !

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France