Le Courrier de l'Eure

73 ans après, le mystère de l’avion écrasé

Des familles anglaises, des anciens militaires et des élus de Grand Bourgthero­ulde mènent depuis plusieurs mois des recherches sur le crash d’un avion qui serait survenu tout près de la commune en décembre 1944.

- Anthony Bonnet

Être élu d’une commune amène à faire de nombreuses rencontres. Certaines sont plus savoureuse­s que d’autres. Vincent Martin peut en témoigner, lui qui s’est investi dans une histoire passionnan­te. En avril 2016, le maire délégué de Bourgthero­ulde-Infreville a reçu Ian Webb, un britanniqu­e venu le solliciter pour retrouver le lieu du crash d’un avion anglais, le Lancaster LM 626 DX-M.

Ian Webb est le neveu de Donald Maurice Pearce, membre de l’équipage de cet avion, dont le corps n’a jamais été retrouvé. La famille cherche depuis plus de 70 ans des informatio­ns sur l’avion, mais aussi sur le lieu du crash. Le Lancaster s’est écrasé le 18 décembre 1944. « On a souvent pensé que ça avait eu lieu en Seine-Maritime, au sud de Rouen » , explique Vincent Martin. Mais, en fait, l’accident se serait produit à 5 kilomètres au sud de Bourgthero­ulde, d’après la feuille de mission de l’avion retrouvée en Angleterre. Il y avait huit militaires à bord, trois seulement ont été inhumés, à Saint-Sever et cinq n’ont jamais été découverts.

Fouilles

La municipali­té, soucieuse d’aider cette famille, lance des fouilles archéologi­ques en janvier 2017, après avoir obtenu les autorisati­ons administra­tives nécessaire­s, car le site du crash étant considéré comme une sépulture militaire, tout est très encadré. Malgré l’utilisatio­n de détecteurs de métaux, « nous sommes restés bredouille­s, aucun débris n’a été retrouvé, raconte Vincent Martin. C’était la déception totale. » Les chercheurs solliciten­t ensuite les services de l’état civil de la ville de Rouen pour disposer d’informatio­ns plus précises sur les corps des trois Anglais inhumés au cimetière militaire. Mais aucune donnée supplément­aire n’est obtenue. Puis, ce sont les mairies voisines dans les cinq kilomètres alentour qui sont interrogée­s, comme Houlbecprè­s-le-Gros-Theil, Saint-Pierredu-Bosguérard. Là encore, c’est un échec. Mais la chance va sourire le 9 juin dernier grâce à un heureux hasard.

La visite de Peter

Ce jour- là, plus d’un an après la visite de Ian Webb, un autre Anglais débarque à Grand Bourgthero­ulde : Peter. C’est un ancien militaire de la RAF, l’armée de l’air britanniqu­e. En 2009, il a acheté une ancienne carte de vol d’avions militaires ayant opéré des bom- bardements sur Munich les 17 et 18 décembre 1944. « La carte est très précise, il l’a exploitée avec d’autres collègues de la RAF, développe Vincent Martin. Et eux aussi ont convergé vers un crash sur Bourgthero­ulde. Ils ont donc décidé d’obtenir des informatio­ns en envoyant Peter dans notre région. » Sauf que celui-ci n’était pas au courant des recherches menées par la famille de Ian Webb. C’est donc en France, dans le Roumois, que le lien entre les deux Anglais se fait !

Vincent Martin a accompagné Peter jusqu’à la stèle du Gros-Theil, érigée en hommage à huit aviateurs britanniqu­es et australien­s décédés le 18 décembre 1944 à bord d’un autre Lancaster, B1 LL847. Ce qui donne lieu à une théorie élaborée par les militaires de la RAF, car les deux Lancaster, celui de Bourgthero­ulde et celui du GrosTheil, sont tombés à 15 minutes d’intervalle.

Un crash entre deux Lancaster ?

À cette époque, à la fin de la guerre, de grandes concentrat­ions d’avions alliés traversent le ciel de la France pour aller ou revenir de missions de bombardeme­nts sur l’Allemagne. « Ils se seraient peut-être touchés, révèle le maire délégué. Les trois corps retrouvés et inhumés à Saint-Sever étaient au même endroit dans la partie de l’avion qui s’est détachée. L’autre partie aurait explosé en vol. Il y avait de mauvaises conditions météo, ces avions étaient de gros bombardier­s sans toutes les technologi­es actuelles, le pilotage était très compliqué. »

Les recherches continuent aujourd’hui. Le 27 juin, Vincent Martin a d’ailleurs eu connaissan­ce de l’accord du Musée de la Force aérienne royale de Nouvelle-Zélande pour que les anciens de la RAF accèdent à l’agenda personnel de Noel Culpan, l’un des pilotes tués dans l’accident à l’âge de 20 ans.

Toutefois, certaines données essentiell­es manquent toujours. Où le Lancaster LM626 s’est-il écrasé précisémen­t ? Où les trois corps ont-ils été inhumés provisoire­ment avant d’être enterrés à Rouen ? « Cette informatio­n serait importante pour continuer les recherches et mieux localiser la zone du crash, signale Vincent Martin. On bloque sur ce point. » Les élus de Grand Bourgthero­ulde, très impliqués dans cette quête historique, font donc appel à tous ceux qui disposent d’éléments sur cet épisode.

« En plus de Ian Webb, d’autres familles sont en contact et suivent ces recherches, on souhaite aider ces personnes, conclut Vincent Martin. C’est un devoir de mémoire. »

Peter et les militaires de la RAF ont prévu de revenir en septembre 2017 à Grand Bourgthero­ulde. Avec l’espoir d’obtenir de nouveaux renseignem­ents sur le Lancaster LM626.

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Ian Webb et un groupe d’amis venus en visite à la mairie de Grand Bourgthero­ulde (à gauche). Ian Webb est le neveu de Donald Pearce (en haut à droite) mort dans le crash du Lancaster LM 626 le 18 décembre 1944. Son corps n’a jamais été retrouvé. Peter,...
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Le Lancaster se serait écrasé au sud de Bourgthero­ulde (photo d’illustrati­on).

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