Le Courrier de l'Eure

Roumois Seine menacé de tutelle

Un an après sa création, la communauté de communes Roumois Seine est déjà en grande difficulté. Elle ne dispose pas des revenus suffisants pour rembourser la dette de 10 millions d’euros. Une tutelle de la préfecture est même clairement évoquée.

- Anthony Bonnet

« Finalement, c’est peutêtre cette situation difficile qui va permettre d’enfin se serrer les coudes au sein de la communauté de communes. » Un cadre de Roumois Seine tentait de positiver et de garder le moral la semaine dernière. Car un an après la découverte des factures impayées, c’est un nouveau coup de massue qui est tombé sur le territoire lors du débat d’orientatio­n budgétaire mardi 13 février.

Le président avait annoncé en préambule vouloir respecter trois principes : un discours de vérité, un discours de transparen­ce et un discours responsabl­e. Il a souhaité mettre tous les chiffres sur la table et ne rien cacher aux élus de la situation grave dans laquelle se retrouve plongé aujourd’hui Roumois Seine.

Nombreuses difficulté­s

La dette, évaluée à 10 millions d’euros (soit 193 € par habitant) à la fin de l’année 2017, continue de plomber lourdement les comptes. Et si le président ne veut pas raviver les rancoeurs passées entre les quatre territoire­s fusionnés il y a un an, il est difficile de ne pas regarder dans le rétroviseu­r pour comprendre. La dette a été léguée à 60 % par l’ex communauté de communes de Bourgthero­ulde-Infreville et à 30 % par celle d’Amfreville­la-Campagne, Roumois-Nord et Quillebeuf se partageant la part restante.

« Le poids de la dette n’est pas disproport­ionné par rapport à la strate de Roumois Seine, mais l’épargne brute* est trop faible par rapport à l’encours de la dette, constate Aurélien Bateux, le directeur des finances de la communauté de communes. Il est indispen- sable d’augmenter le niveau d’épargne brute. On peut agir par une baisse des dépenses et une hausse des recettes de fonctionne­ment. »

La communauté de communes ne dispose pas aujourd’hui des revenus suffisants pour rembourser sa dette. Et les difficulté­s s’accumulent. Roumois Seine, comme toutes les collectivi­tés, subit une baisse de la dotation versée par l’Etat chaque année (soit 4 millions € perdus depuis 2014). Et le départ, au 1er janvier 2018, de six communes issues du territoire d’Amfreville-la-Campagne entraîne une perte de fiscalité de 647 000 €.

« La situation est loin d’être facile, déclare Benoît

Gatinet. La communauté de communes est confrontée à des difficulté­s structurel­les. Nous avons peu de marges de manoeuvre, le territoire assume des services publics de proximité, indispensa­bles mais coûteux, la petite enfance et les aides à domicile par exemple. Nous supportons des charges importante­s pour l’entretien de la voirie et des bâtiments. »

12 orientatio­ns

Le président a donc proposé aux élus mardi dernier 12 orientatio­ns fortes pour tenter de redresser la barre et essayer de construire un budget équilibré. « Des solutions

douloureus­es » , comme il le dit lui-même. Parmi les pistes de réflexion, une a déjà été votée avec l’instaurati­on d’une nouvelle taxe pour tous les habitants, la Gemapi (voir page).

D’autres retiennent l’attention : soutenir seulement les investisse­ments les plus subvention­nés ; développer les mutualisat­ions entre les services et les communes ; réajuster les attributio­ns de compensati­on ; valoriser le patrimoine de la communauté de communes, en vendant ou en louant certains bâtiments ; mieux partager les produits du développem­ent économique entre les communes et la communauté de communes…

Benoît Gatinet propose aussi de faire un million d’euros d’économies sur le fonctionne­ment. Une mesure compliquée à réaliser quand on voit déjà les difficulté­s rencontrée­s dans le secteur de l’enfance-jeunesse. Face à la mobilisati­on des parents, les services de Roumois Seine ont dû reculer il y a quelques jours sur la fermeture du centre de loisirs du Bosc-du-Theil…

Hausse des impôts ?

Le président soumet également aux élus une idée audacieuse : augmenter les taux d’imposition de l’intercommu­nalité, tout en diminuant ceux des communes afin de neutralise­r l’effet pour les habitants. Car « la fiscalité de la communauté de communes n’est pas au niveau des services qu’elle rend »

En clair, Roumois Seine a hérité au moment de la fusion de taux (taxe d’habitation, taxe foncière sur le bâti et le non bâti…) qui étaient trop bas par rapport aux nombreuses compétence­s exercées. Et les taux moyens appliqués depuis 2017 ne suffisent pas pour supporter les charges de fonctionne­ment.

Les habitants doivent-ils s’attendre à voir leur feuille d’imposition grimper en flèche ? « Je ne vois pas d’autre solution que de passer par la fiscalité, lâche Dominique Rouas, l’un des

vice-présidents. Il faut accélérer l’harmonisat­ion des taux. Il ne faut pas se voiler la face, c’est ça ou nous sommes sous tutelle. »

Menace de tutelle

La tutelle de la préfecture, qui surveille les comptes des collectivi­tés, leurs dépenses et leur endettemen­t. Quand le déséquilib­re est trop grand et

que la dette devient impossible à rembourser, une collectivi­té peut être mise sous tutelle et c’est le préfet qui s’occupe alors du budget, via la chambre régionale des comptes. Un événement rare et

grave. « C’est vrai que nous avons été alertés par les services de la préfecture qui nous ont mis dans la cellule de veille concernant le budget de Roumois Seine, reconnaît

Benoît Gatinet. Ils nous ont dit il y a quelques semaines :

vous êtes dans le collimateu­r . Et on comprend bien pourquoi. »

Les réunions vont s’enchaîner au cours des prochaines semaines. Les élus ont jusqu’au 12 avril, jour du vote du budget, pour trouver les bonnes solutions. Et sauver la situation.

 ??  ??
 ??  ?? Benoît Gatinet entouré de plusieurs de ses vice-présidents le 13 février.
Benoît Gatinet entouré de plusieurs de ses vice-présidents le 13 février.

Newspapers in French

Newspapers from France