Roumois Seine menacé de tutelle
Un an après sa création, la communauté de communes Roumois Seine est déjà en grande difficulté. Elle ne dispose pas des revenus suffisants pour rembourser la dette de 10 millions d’euros. Une tutelle de la préfecture est même clairement évoquée.
« Finalement, c’est peutêtre cette situation difficile qui va permettre d’enfin se serrer les coudes au sein de la communauté de communes. » Un cadre de Roumois Seine tentait de positiver et de garder le moral la semaine dernière. Car un an après la découverte des factures impayées, c’est un nouveau coup de massue qui est tombé sur le territoire lors du débat d’orientation budgétaire mardi 13 février.
Le président avait annoncé en préambule vouloir respecter trois principes : un discours de vérité, un discours de transparence et un discours responsable. Il a souhaité mettre tous les chiffres sur la table et ne rien cacher aux élus de la situation grave dans laquelle se retrouve plongé aujourd’hui Roumois Seine.
Nombreuses difficultés
La dette, évaluée à 10 millions d’euros (soit 193 € par habitant) à la fin de l’année 2017, continue de plomber lourdement les comptes. Et si le président ne veut pas raviver les rancoeurs passées entre les quatre territoires fusionnés il y a un an, il est difficile de ne pas regarder dans le rétroviseur pour comprendre. La dette a été léguée à 60 % par l’ex communauté de communes de Bourgtheroulde-Infreville et à 30 % par celle d’Amfrevillela-Campagne, Roumois-Nord et Quillebeuf se partageant la part restante.
« Le poids de la dette n’est pas disproportionné par rapport à la strate de Roumois Seine, mais l’épargne brute* est trop faible par rapport à l’encours de la dette, constate Aurélien Bateux, le directeur des finances de la communauté de communes. Il est indispen- sable d’augmenter le niveau d’épargne brute. On peut agir par une baisse des dépenses et une hausse des recettes de fonctionnement. »
La communauté de communes ne dispose pas aujourd’hui des revenus suffisants pour rembourser sa dette. Et les difficultés s’accumulent. Roumois Seine, comme toutes les collectivités, subit une baisse de la dotation versée par l’Etat chaque année (soit 4 millions € perdus depuis 2014). Et le départ, au 1er janvier 2018, de six communes issues du territoire d’Amfreville-la-Campagne entraîne une perte de fiscalité de 647 000 €.
« La situation est loin d’être facile, déclare Benoît
Gatinet. La communauté de communes est confrontée à des difficultés structurelles. Nous avons peu de marges de manoeuvre, le territoire assume des services publics de proximité, indispensables mais coûteux, la petite enfance et les aides à domicile par exemple. Nous supportons des charges importantes pour l’entretien de la voirie et des bâtiments. »
12 orientations
Le président a donc proposé aux élus mardi dernier 12 orientations fortes pour tenter de redresser la barre et essayer de construire un budget équilibré. « Des solutions
douloureuses » , comme il le dit lui-même. Parmi les pistes de réflexion, une a déjà été votée avec l’instauration d’une nouvelle taxe pour tous les habitants, la Gemapi (voir page).
D’autres retiennent l’attention : soutenir seulement les investissements les plus subventionnés ; développer les mutualisations entre les services et les communes ; réajuster les attributions de compensation ; valoriser le patrimoine de la communauté de communes, en vendant ou en louant certains bâtiments ; mieux partager les produits du développement économique entre les communes et la communauté de communes…
Benoît Gatinet propose aussi de faire un million d’euros d’économies sur le fonctionnement. Une mesure compliquée à réaliser quand on voit déjà les difficultés rencontrées dans le secteur de l’enfance-jeunesse. Face à la mobilisation des parents, les services de Roumois Seine ont dû reculer il y a quelques jours sur la fermeture du centre de loisirs du Bosc-du-Theil…
Hausse des impôts ?
Le président soumet également aux élus une idée audacieuse : augmenter les taux d’imposition de l’intercommunalité, tout en diminuant ceux des communes afin de neutraliser l’effet pour les habitants. Car « la fiscalité de la communauté de communes n’est pas au niveau des services qu’elle rend »
En clair, Roumois Seine a hérité au moment de la fusion de taux (taxe d’habitation, taxe foncière sur le bâti et le non bâti…) qui étaient trop bas par rapport aux nombreuses compétences exercées. Et les taux moyens appliqués depuis 2017 ne suffisent pas pour supporter les charges de fonctionnement.
Les habitants doivent-ils s’attendre à voir leur feuille d’imposition grimper en flèche ? « Je ne vois pas d’autre solution que de passer par la fiscalité, lâche Dominique Rouas, l’un des
vice-présidents. Il faut accélérer l’harmonisation des taux. Il ne faut pas se voiler la face, c’est ça ou nous sommes sous tutelle. »
Menace de tutelle
La tutelle de la préfecture, qui surveille les comptes des collectivités, leurs dépenses et leur endettement. Quand le déséquilibre est trop grand et
que la dette devient impossible à rembourser, une collectivité peut être mise sous tutelle et c’est le préfet qui s’occupe alors du budget, via la chambre régionale des comptes. Un événement rare et
grave. « C’est vrai que nous avons été alertés par les services de la préfecture qui nous ont mis dans la cellule de veille concernant le budget de Roumois Seine, reconnaît
Benoît Gatinet. Ils nous ont dit il y a quelques semaines :
vous êtes dans le collimateur . Et on comprend bien pourquoi. »
Les réunions vont s’enchaîner au cours des prochaines semaines. Les élus ont jusqu’au 12 avril, jour du vote du budget, pour trouver les bonnes solutions. Et sauver la situation.