Que sait-on de Larossi Abballa ?
Larossi Abballa, 25 ans, l’assassin du couple de policiers, a été abattu dans le pavillon de Magnanville lors de l’assaut du Raid. Le jeune homme, né à Meulan et qui a grandi aux Mureaux, habitait depuis quelque temps dans la cité du Val Fourré, à Mantes-la-Jolie, avec ses parents. Ils étaient absents au moment des faits, partis depuis trois mois en vacances au Maroc.
Avant de devenir « le tueur de Magnanville », le jeune homme avait été condamné pour de nombreux faits de droit commun (vol, recel, violences). 2011, premier signe de sa radicalisation. Il est mis en examen par le parquet antiterroriste de Paris, avec sept autres individus originaires de banlieue parisienne, dans une affaire d’acheminement de combattants en zone tribale pakistano-afghane.
« Ni brillant, ni intelligent »
Il était accusé d’avoir recruté et endoctriné des candidats au djihad. Entre décembre 2010 et février 2011, les huit hommes se retrouvaient régulièrement pour s’entraîner physiquement dans des parcs à Argenteuil (95) et de La Courneuve (93). Suite à ces faits, il est condamné en 2013 à trois ans de prison, dont six mois avec sursis pour « association de malfaiteurs en vue de préparer des actes terroristes ».
Dans cette équipe de « Pieds Nickelés », comme les qualifie Me Hervé Denis, avocat de l’un des membres du groupe, le Mantais apparaissait comme un suiveur. Il n’avait clairement pas la carrure pour être à la tête de cette filière pakistano-afghane. Me Denis dresse d’ailleurs un portrait peu flatteur d’Abballa :
« Il n’était ni intelligent ni brillant : un bras cassé. »
« À l’époque, à part ses mauvaises fréquentations et quelques joggings pour entretenir sa forme, il n’y avait pas grand-chose à lui reprocher au strict plan des poursuites pénales »,
a déclaré Marc Trévidic, le juge d’instruction qui était chargé du dossier.
En détention, il s’est fait remarquer par l’administration pénitentiaire pour des
« actes de prosélytisme d’islamisme radical »,
a indiqué François Molins, le procureur de Paris. Abballa est ressorti de prison en 2013, sa période de détention provisoire couvrant quasi intégralement la peine.
La personnalité du jeune homme aurait profondément changé après sa sortie de détention, comme l’a confié son ex-petite amie à France Info.
« Après être sorti de prison, il s’est beaucoup isolé. Il préférait prendre ses distances et il avait changé d’amis »,
raconte la jeune femme, agent administratif dans une collectivité des Yvelines. Ils sont restés cinq ans ensemble. Elle aurait été sa seule et unique petite amie.
« Après moi, il y a eu la religion. Il s’est rapproché de Dieu, il a voulu faire ses prières correctement,
confiet-elle, sous couvert d’anonymat.
Il me disait juste qu’il aimerait qu’un jour je devienne comme lui, que je porte le voile. Mais à aucun moment il ne m’a jugée, ni n’a arrêté de parler avec moi parce que je n’étais pas voilée ou parce que j’avais un jean troué ou un cuir… À aucun moment. »
Abballa n’avait jamais rompu les liens avec son ex. Leur dernier échange remonte à trois jours avant le drame. Le jeune homme avait cherché à la voir, en vain. Elle a appris dans les médias qu’il était l’auteur de la tuerie.
Le tueur de Magnanville respectait à la lettre les obligations auxquelles il était astreint dans le cadre de sa mise à l’épreuve. Et comme Merah, Kouachi, Koulibaly et bien d’autres fanatiques, le jeune homme était « sorti des radars ».
Mais la justice a recommencé récemment a s’intéresser à lui. Le procureur de la République indique que son nom figurait dans des investigations menées dans le cadre d’une commission rogatoire. Une procédure sur une filière djihadiste
« de départ vers la zone syrienne »,
ouverte le 11 février 2016. Cette enquête a donné lieu à des écoutes téléphoniques et des géolocalisations sur
« les lignes utilisées par Larossi Abballa »,
selon François Molins.
Visé par une nouvelle enquête
Début 2016, Larossi Abballa avait créé sa société de livraison nocturne de sandwiches halal. Une SAS au capital de 1 000 euros, domiciliée rue Roald-Amundsen à Mantesla-Jolie. Se savait-il surveillé et cherchait-il une couverture ? Sur sa page Facebook « officielle », fermée par les autorités au lendemain de la tuerie, le jeune homme ne laisse d’abord rien transparaître de ses envies de djihad. Il y raconte en vidéos son quotidien de livreur de sandwiches, de 22 h 30 à 5 heures dans le Mantois. Au volant de son véhicule, il vantait la qualité de son pain, se plaignait de l’accueil de certains clients. Sur cette page Facebook, on pouvait voir de nombreuses banalités : vidéos de lui en cuisine, photos prises lors d’un rendez-vous chez le banquier, commentaires de clients satisfaits.
« Hey op c’est parti pour une soirée de livraison lol », « #pasdesurgelés »,
postait, par exemple, Larossi Abballa. Bref, un profil de repenti.
Mais dans les semaines précédants ce 13 juin tragique, son discours sur Internet s’était foncièrement radicalisé. Depuis quelques mois, son Facebook affichait des publications antisémites, conspirationnistes, à la gloire de l’État Islamique. On pouvait y voir aussi une photo de deux de ses amis, posant fièrement les armes à la main. Celui qui avait fait allégeance à l’État Islamique (EI) trois semaines avant le drame n’était donc pas l’entrepreneur rangé que beaucoup décrivent dans son entourage.