Les fantômes de Victor Hugo
Victor Hugo (1802-1885) est l’une des plus grandes plumes de la littérature française. Il fut aussi un homme de conviction, d’engagements et un orateur hors pair. Le Livre des Tables (les séances spirites de Jersey) dévoile, lui, une facette méconnue de l’auteur des Misérables : sa relation avec le surnaturel.
Patrice Boivin était le samedi 2 juillet à la librairie La Nouvelle Réserve pour parler de son ouvrage publié en 2014 chez Gallimard, qui reproduit pour la première fois les compterendus intégraux des séances de spiritisme de l’écrivain entre 1853 à 1855 sur l’île anglonormande de Jersey et ses conversations avec quelques personnages illustres comme Dante, Molière, Shakespeare et… Jésus.
Documents inédits
Victor Hugo est alors en exil depuis fin 1851, à la suite du coup d’État de LouisNapoléon Bonaparte. L’auteur de Quatrevingt-treize envisageait une publication posthume des procès-verbaux de ces séances, consignées dans quatre cahiers (dont 2 toujours introuvables), sous le titre Le Livre des Tables.
L’idée de Patrick Boivin était de compléter le recueil Les tables tournantes de Jersey, paru en 1923, qui ne dévoile qu’une partie des conversations de Hugo avec les esprits.
« Lorsque je l’ai lu, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose là-dessus. »
Dans le cadre de sa thèse à la Sorbonne, il a consacré plusieurs années à la recherche des documents manquants, notamment à Marine Terrace, la demeure de la famille Hugo à Jersey.
Son travail de fourmi lui a permis de retrouver les procèsverbaux originaux des séances. Il ne dira pas où ni comment il a exhumé ces manuscrits inédits. À l’issue de sa soutenance de thèse, l’éditeur Gallimard lui propose aussitôt de publier son travail.
« Cela m’a honoré, je n’ai pas hésité, j’ai signé ! »
Que s’est-il donc passé à Jersey en cette année 1853,
« le 11 septembre exactement »,
précise Patrice Boivin. Ce soir-là, dix personnes - parmi lesquelles Madame Hugo - sont autour de LA table. Delphine De Girardin, auteure et journaliste fraîchement revenue des États-Unis où la haute société aime à tenter d’entrer en contact avec les esprits, dirige cette première séance.
Le procès-verbal raconte que Léopoldine, la fille du romancier, morte noyée dix ans plus tôt presque jour pour jour à l’âge de 19 ans, s’est manifestée. Un peu sceptique, Hugo acquiert rapidement la certitude d’être entré en contact avec sa fille.
Était-ce Léopoldine ?
« Utiliser la fille tant aimée, disparue tragiquement, serait non seulement une infamie mais aussi inconcevable de la part de la famille Hugo »,
lâche, énigmatique, Patrice Boivin.