Le Courrier de Mantes

1930-1960 : quand le Val Fourré abritait un aérodrome

Pendant trois décennies, des années 30 aux années 60, l’aérodrome de la Demi-Lune, situé sur l’actuel quartier du Val Fourré, a été un haut lieu de l’animation mantaise. Meetings aériens, baptêmes de l’air, grandes fêtes : il s’y passait toujours quelque

- Francine Carrière

Le Val Fourré n’a pas toujours été le Val Fourré. Avant que ce qui aurait dû être « la cité idéale » ne sorte de terre, il y avait des champs où quelques fous volants dans leurs drôles de machines s’envoyaient en l’air. Pendant trois décennies, des années trente aux années soixante, le tout Mantes se retrouvait au terrain d’aviation.

La volonté de deux as de l’aviation

Il faut dire qu’au sortir de la Première Guerre mondiale, l’aviation déployait ses ailes, symbole de liberté, d’espoir et

de modernité. « L’aviation, plus personne n’a le droit de l’ignorer, car elle est l’outil de l’avenir. Demain, on montrera du doigt l’homme-qui-n’estjamais-monté-en-avion… Questionne­z tous ceux qui ont déjà volé : ils vous diront quelles joies insoupçonn­ables on recueille en plein ciel. » Voilà ce que l’on peut lire dans la première et unique revue publiée à la fin 1933 ou au début 1934 par l’Aéro-club de Mantes. Celui-ci fut fondé le 28 octobre 1932 sous l’égide de l’aéro-club d’Ile-de-France.

Dans le même bulletin, le vice-président Maurice Chevillard, lui-même pilote, évoque la création de l’aérodrome et de son club nés de la rencontre de deux as de l’aviation qui s’illustrère­nt durant la Première Guerre mondiale, M. Régnier, président de l’aéroclub d’Ile-de-France à Versailles, et Henry Fourcade. « L’union intime de ces deux énergies ne tarda pas à se rendre compte que, sans le nerf de la guerre, il était à peu près impossible de mettre sur pied quelque chose de viable. Survint un Mantais, un sportif qui devant la confiance que ces deux aviateurs surent lui donner, devint le mécène de l’aviation mantaise… C’était Georges Ragot. »

Cet industriel qui possède une entreprise de constructi­on mécanique, tôlerie, charpentes et hangars fut le premier président du club. Après moult négociatio­ns, il obtint de la société l’Industrie Lorraine, propriétai­re du site, qu’elle louât une partie des terrains (environ 90 ha) dont elle disposait à l’ouest de Mantes et qui avait déjà servi pour des démonstrat­ions aériennes. L’aérodrome de la Demi-Lune était né.

Chargé de son fonctionne­ment, l’Aéro-club de Mantes fut doté de son premier Potez 36 suivi d’un planeur, un Avia VI permettant de développer le vol à voile. Une journée nationale de l’Air fut organisée le 30 octobre 1932.

« Le 20 juillet 1933, c’est l’apothéose. Après le passage du Tour de France cycliste, on inaugure officielle­ment, avec éclat, le terrain de la Demilune », note-t-on dans l’ouvrage historique Mantes et Mantes-laVille de 1789 à nos jours.

Le ministre de l’Air, Pierre Cot, avait fait le déplacemen­t. Les évolutions aériennes se succèdent avec les pilotes de la patrouille Blériot. « Un grand bal termina dignement au

Rocher de Cancale (NDLR :

établissem­ent mantais) cette belle journée qui avait connu

une affluence record », lit-on encore dans l’ouvrage précité.

En 1934, l’Aéro-club de Mantes obtient du conseil municipal de Mantes une importante subvention de 20 000 francs. Il poursuit son développem­ent, participe à des rallyes aériens, organise des baptêmes de l’air et forme de nouveau pilote. En 1936, la première aviatrice mantaise décroche son brevet de pilote. Il s’agit d’une Guernoise, Mme Grandpierr­on, l’épouse du champion motocyclis­te.

Mais les années sombres se profilent à l’horizon. La militarisa­tion du terrain de la DemiLune, à l’approche des hostilités de 1939, interrompi­t les activités de l’aéro-club, qui ne reprirent qu’après l’Armistice. « Pendant l’Occupation, les Allemands installère­nt des ballons captifs sur le terrain pour que l’aviation alliée ne puisse pas se poser », se souvient l’ancien photograph­e Claude Bertin.

Son père, Jean Bertin, était un pionnier de la photo aérienne. Il travailla pendant 5 ans comme opérateur photo à la Compagnie aérienne française en Indochine. Il fut l’une des figures de l’Aéroclub de Mantes après la guerre. En 1950, dans les hangars de l’aérodrome, il reçut la Légion d’honneur en présence de Pierre Closterman­n et du général de brigade Emile Ginas, deux héros de l’aviation, compagnons de la Libération.

Inauguré en 1933 En vol sur le dos au-dessus de Gassicourt

Adolescent, Claude Bertin passait son temps libre à l’aérodrome. « Mais mon père m’avait interdit de monter dans un avion. Il faut dire que c’était folkloriqu­e. C’était à celui laisserait le sillage le plus gros en vol sur le dos audessus des champs de Gassicourt », raconte-il. Mais un gros point de suspension plane déjà sur l’avenir de l’aérodrome. Le 14 juin 1954, le conseil municipal décidé d’acquérir le terrain d’aviation. Dans la perspectiv­e d’y construire des logements, ce qui serait plus tard le Val Fourré. En décembre de la même année, le maire Jean-Paul David précise « qu’il ne voit aucun inconvénie­nt à ce que l’aérodrome subsiste en attendant son déclasseme­nt ».

Les activités se poursuivro­nt jusqu’au début des années soixante avant que les aviateurs n’aillent voler vers d’autres cieux. Le vol à voile s’installera à Chérence et l’aéro-club de Mantes prendra ses quartiers à l’aérodrome des Mureaux.

 ??  ?? L’aérodrome de la Demi-Lune, un jour de meeting aérien.
L’aérodrome de la Demi-Lune, un jour de meeting aérien.
 ??  ?? L’une des dernières manifestat­ions organisées sur l’aérodrome de Mantes le 20 mai 1962. Il s’agissait du concours régional de vol à moteur réservé aux jeunes pilotes. « Une jeune concurrent­e de l’Aéro-club d’Air France quitte son Émeraude avec un...
L’une des dernières manifestat­ions organisées sur l’aérodrome de Mantes le 20 mai 1962. Il s’agissait du concours régional de vol à moteur réservé aux jeunes pilotes. « Une jeune concurrent­e de l’Aéro-club d’Air France quitte son Émeraude avec un...
 ??  ?? Pionnier de la photograph­ie aérienne et membre actif de l’Aéro-club mantais, Jean Bertin reçoit la Légion d’honneur en 1950. La cérémonie se déroule dans le hangar de l’aérodrome.
Pionnier de la photograph­ie aérienne et membre actif de l’Aéro-club mantais, Jean Bertin reçoit la Légion d’honneur en 1950. La cérémonie se déroule dans le hangar de l’aérodrome.
 ??  ?? Ce bulletin qui donne les tarifs pour passer le brevet de pilote de tourisme (3 650 francs de l’époque) a été publié dans la revue « Envols », première publicatio­n de l’Aéro-club de Mantes et éditée en 1933.
Ce bulletin qui donne les tarifs pour passer le brevet de pilote de tourisme (3 650 francs de l’époque) a été publié dans la revue « Envols », première publicatio­n de l’Aéro-club de Mantes et éditée en 1933.
 ??  ?? Le Potez 36, un monoplan de tourisme, construit par la société Potez de 1929 à 1933, fut le premier avion de l’Aéro-club.
Le Potez 36, un monoplan de tourisme, construit par la société Potez de 1929 à 1933, fut le premier avion de l’Aéro-club.

Newspapers in French

Newspapers from France