Le Courrier de Mantes

Une Canadienne apprend le français aux migrants

Lindsay Benoist est installée à Hardricour­t depuis près de 50 ans. Cette anglophone, qui a enseigné le français au Canada, donne désormais des cours au foyer pour migrants de Mézy-sur-Seine.

- Alexandre Foatelli

Qui mieux qu’une anglophone pour apprendre le français à des migrants ? Mais pas n’importe quelle anglophone non plus. Née en Angleterre, avant de partir pour le Canada, Lindsay Benoist enseigne d’abord la langue de Shakespear­e à des Canadiens anglophone­s dans les années 1960.

Elle s’installe en France en 1969, suite à son mariage. Après quelques années destinées notamment à l’éducation de ses enfants, Lindsay revient vers l’enseigneme­nt de l’anglais, d’abord auprès de la chambre de commerce de Mantes, puis dans un lycée bilingue de SaintGerma­in-en-Laye.

De l’anglais au français

Dès qu’elle a entendu parler de l’arrivée des migrants à Mézy-sur-Seine, tout près de son domicile à Hardricour­t, la vive retraitée a souhaité s’y rendre.

« Je voulais voir si je pouvais être utile, mais mon idée à l’origine n’était pas l’enseigneme­nt du français, comme ce n’est pas ma langue maternelle,

raconte Lindsay avec son accent anglais encore prononcé.

Je pensais plutôt leur montrer la région, jouer aux cartes ou aux échecs pour leur tenir compagnie. C’était le lendemain de l’arrivée de 103 jeunes, le 18 septembre 2015. »

Au départ, les migrants présents souhaitent que Lindsay leur apprenne l’anglais. Mais cette dernière refuse :

« Je leur ai dit non, ce n’est pas le but. Vous êtes en France donc ce serait plutôt le français. »

Ne voyant pas arriver de bénévoles prêts à remplir ce rôle de professeur, Lindsay s’y colle et se prend très vite au jeu.

S’appuyant sur les astuces d’un ancien ouvrage datant de 1953 et sur sa très longue expérience de l’apprentiss­age des langues, Lindsay brode un programme au jour le jour. Non sans difficulté :

« Le problème, c’est qu’il y a des gens qui ont été scolarisés et qui parlent un peu l’anglais et qui savent écrire et d’autres qui n’ont pas été à l’école et qui ne parlent que l’arabe ou des langues subsaharie­nnes,

Il faut aussi trouver une heure qui leur convient car ils vont à Paris pour leurs démarches administra­tives. »

explique Lindsay.

D’ailleurs, le domicile de la professeur­e se situe sur le trajet entre le foyer de Mézy et la gare de Meulan-Hardricour­t.

« On les voit passer et on les salue »,

s’amuse Lindsay et son mari.

Des cours adaptés

Les cours ont lieu deux jours par semaine, de 17 à 18 h 30. Face à l’arrivée récente de primo arrivants subsaharie­ns, un second cours est aménagé depuis jeudi dernier, de 18 à 19 heures, réduisant le premier à une heure.

C’est justement ce jeudi que nous avons pu assister à un de ces cours. Les migrants arrivent au compte-gouttes. Ils sont quatre ce soir-là. Ils sont tous Afghans et tous plutôt doués avec les bases. Lindsay leur apprend à nommer les objets courants, les couleurs, les adjectifs, les nombres ou encore à lire l’heure.

Les élèves sont appliqués, ils s’amusent et rivalisent entre eux pour donner les bonnes réponses, comme si une quelconque note était en jeu. Ces cours sont bien sûr importants

« Ça leur permet de faciliter leurs démarches administra­tives et ça peut leur permettre de s’insérer dans la société, s’ils obtiennent le statut de réfugiés »,

pour eux.

argumente Marie Vango, assistante sociale au sein du foyer.

Quid des bénévoles ?

L’enjeu est donc important pour les migrants de Mézy. Malheureus­ement, à raison de deux cours par semaine, leurs progrès, bien que visibles, restent lents.

« En septembre, il y avait d’autres bénévoles qui venaient le week-end notamment, mais ça n’a pas duré malheureus­ement. D’autres, retraités, sont venus cet hiver, mais depuis… »,

avec malice. se désole Lindsay.

Avec le sourire, elle glisse un appel à toutes les personnes qui voudraient donner un peu de leur temps.

« Ne serait-ce que pour qu’ils parlent le français avec le bon accent »,

conclutell­e

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