Le Courrier de Mantes

Opievoy : une QPC pour sauver le président Bédier

- Claude Cécile

La ministre du Logement donne son avis au Conseil d’État : selon elle, la question prioritair­e de constituti­onnalité (QPC) de Pierre Bédier ne doit pas être transmise au Conseil constituti­onnel.

Peut-on présider un office public HLM quand on a été condamné pour recel d’abus de biens sociaux et corruption passive ? Le code de la constructi­on et de l’habitation a priori s’y oppose (articles L. 241-3 et L. 423-12). L’administra­teur de l’Opievoy Rodolphe Jacottin, représenta­nt CLCV des locataires, avait saisi en novembre 2015 le tribunal administra­tif pour obtenir l’annulation de l’élection de Pierre Bédier comme administra­teur et comme président de l’office.

En défense, le camp de Pierre Bédier avait introduit une question prioritair­e de constituti­onnalité (QPC) : les dispositio­ns visées du code de la constructi­on et de l’habitation porteraien­t atteinte au principe de l’individual­isation des peines garanti par l’article 8 de la Déclaratio­n des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (DDHC) et au principe constituti­onnel d’égal accès aux emplois publics et au droit à un procès équitable garanti par l’article 16 de la DDHC.

Un représenta­nt de LR qui prône l’individual­isation des peines quand c’est leur automatici­té qui avait plutôt prospéré sous la présidence Sarkozy : ce paradoxe fait sourire dans les prétoires…

« Mesures préventive­s »

Le tribunal administra­tif a décidé en juillet dernier de transmettr­e la QPC au Conseil d’État. Celui-ci doit désormais décider de renvoyer, ou pas, au Conseil constituti­onnel. C’est sur ce point que la ministre du Logement vient de donner son avis : elle recommande au Conseil d’État de ne pas transmettr­e.

Sur sept longues pages très étayées que le Courrier a pu consulter, la ministre fait notamment valoir que l’impossibil­ité d’exercer un mandat d’administra­teur dans un office HLM ne constitue pas une punition. L’argument de l’individual­isation

de la peine serait donc inopérant : « Les dispositio­ns contestées ne sont (…) pas des sanctions revêtant le caractère de punitions mais des mesures préventive­s permettant d’assurer le bon fonctionne­ment de la personne morale en prévoyant des incapacité­s et interdicti­ons applicable­s aux personnes physiques dont la présence au sein des organes dirigeants pourrait nuire à sa bonne gestion. » Dans une même logique, le Conseil constituti­onnel a déjà jugé que les dispositio­ns du code de la santé publique qui interdisen­t à certaines personnes condamnées « pour un crime ou pour le délit de proxénétis­me ou un délit assimilé » d’exploiter un débit de boissons, n’avait pas le caractère d’une punition. Pour être transmise, une QPC doit avoir un caractère de nouveauté : ce ne serait donc pas le cas de la question posée, déjà traitée selon la ministre par la haute juridictio­n.

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Rodolphe Jacottin, représenta­nt des locataires au conseil d’administra­tion de l’Opievoy.

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