Opievoy : une QPC pour sauver le président Bédier
La ministre du Logement donne son avis au Conseil d’État : selon elle, la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) de Pierre Bédier ne doit pas être transmise au Conseil constitutionnel.
Peut-on présider un office public HLM quand on a été condamné pour recel d’abus de biens sociaux et corruption passive ? Le code de la construction et de l’habitation a priori s’y oppose (articles L. 241-3 et L. 423-12). L’administrateur de l’Opievoy Rodolphe Jacottin, représentant CLCV des locataires, avait saisi en novembre 2015 le tribunal administratif pour obtenir l’annulation de l’élection de Pierre Bédier comme administrateur et comme président de l’office.
En défense, le camp de Pierre Bédier avait introduit une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) : les dispositions visées du code de la construction et de l’habitation porteraient atteinte au principe de l’individualisation des peines garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (DDHC) et au principe constitutionnel d’égal accès aux emplois publics et au droit à un procès équitable garanti par l’article 16 de la DDHC.
Un représentant de LR qui prône l’individualisation des peines quand c’est leur automaticité qui avait plutôt prospéré sous la présidence Sarkozy : ce paradoxe fait sourire dans les prétoires…
« Mesures préventives »
Le tribunal administratif a décidé en juillet dernier de transmettre la QPC au Conseil d’État. Celui-ci doit désormais décider de renvoyer, ou pas, au Conseil constitutionnel. C’est sur ce point que la ministre du Logement vient de donner son avis : elle recommande au Conseil d’État de ne pas transmettre.
Sur sept longues pages très étayées que le Courrier a pu consulter, la ministre fait notamment valoir que l’impossibilité d’exercer un mandat d’administrateur dans un office HLM ne constitue pas une punition. L’argument de l’individualisation
de la peine serait donc inopérant : « Les dispositions contestées ne sont (…) pas des sanctions revêtant le caractère de punitions mais des mesures préventives permettant d’assurer le bon fonctionnement de la personne morale en prévoyant des incapacités et interdictions applicables aux personnes physiques dont la présence au sein des organes dirigeants pourrait nuire à sa bonne gestion. » Dans une même logique, le Conseil constitutionnel a déjà jugé que les dispositions du code de la santé publique qui interdisent à certaines personnes condamnées « pour un crime ou pour le délit de proxénétisme ou un délit assimilé » d’exploiter un débit de boissons, n’avait pas le caractère d’une punition. Pour être transmise, une QPC doit avoir un caractère de nouveauté : ce ne serait donc pas le cas de la question posée, déjà traitée selon la ministre par la haute juridiction.