Le Courrier de Mantes

Clément Mas remonte la pente

Dix-sept mois après l’accident de course qui aurait pu le tuer, le cycliste (34 ans) considéré comme un des meilleurs amateurs de la région revient sur les épreuves qu’il a dû traverser. De la reconstruc­tion physique et psychologi­que au retour à la compét

- Propos recueillis par Kevin Burlot

Le Courrier : Que s’est-il passé le 19 avril 2015 ?

Je m’engage dans la course Paris-Pussay, environ 120 kilomètres. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de cette course mais on m’a dit que j’étais dans l’échappée avec neuf coureurs, on avait deux minutes d’avance et ça devait aller au bout. Un motard a dû faire un écart pour éviter un caniveau pavé qui n’était pas signalé. Les échappés le doublent dans une descente mais au moment où je passe, à environ 70 km/h, il fait un écart sur la droite et m’envoie contre une voiture qui était stationnée par erreur à cet endroit. Je me suis encastré dans l’arrière de cette voiture. Il paraît que sur le coup je me suis levé, j’ai crié, je n’avais plus toute ma tête. Un médecin est intervenu mais je ne répondais plus. Ils ont pris la décision de m’envoyer en hélicoptèr­e au Kremlin Bicêtre. Je suis ensuite resté une semaine dans le coma et je n’ai pu quitter l’hôpital que deux mois plus tard.

Clément Mas :

Quel était le diagnostic ?

Triple fracture ouverte de la mâchoire, deux côtes cassées avec un pneumothor­ax et un oedème au cerveau non opérable, ce qui explique le coma. Cela a dû être très dur pour la famille à ce moment-là…

2004 : 2005 : 2007 :

champion des Yvelines (UFOLEP). Remporte Dreux-Anet et passe en catégorie élite. 4e du championna­t de Normandie et deux victoires dans l’année. vice-champion d’Aquitaine avec cinq victoires. 23e au championna­t de France. champion de Picardie en contre-la-montre. Quatre victoires dans l’année dont Paris-Ezy. Il est aujourd’hui le seul coureur non profession­nel à l’avoir remporté.

2008 : 2009 :

Oui, surtout que les médecins ne savaient pas dans quel état j’allais sortir du coma. J’aurais pu être un légume. Mon frère qui était sur le point de revenir de vacances et avec qui je m’entraîne depuis toujours a voulu arrêter le vélo. Heureuseme­nt, je me suis réveillé avec toutes mes facultés. Je pense qu’avoir eu un mental de sportif et une bonne hygiène de vie m’a aidé. C’est ce qu’ont dit les médecins en tout cas. Quelles ont été vos premières sensations au réveil ?

J’ai tout de suite réclamé mon vélo. Je voulais entamer la rééducatio­n, que j’ai faite à Aincourt pendant un mois et demi. J’ai aussi dû suivre des cours d’orthophoni­ste pour mes trous de mémoire. J’avais en plus quelques troubles de l’attention. J’ai su que j’y arriverai, il était hors de question de sortir de cet accident changé ou de devenir assisté. La reconstruc­tion physique a dû être particuliè­rement difficile…

J’ai perdu beaucoup de poids. Je faisais 77 kg pour 1, 89 m avant l’accident et je suis tombé à 70 kg, un sac d’os ! On me portait pour marcher, je prenais ma douche dans une chaise, j’ai vécu des moments très durs. Mais cette période m’a permis de voir la vie autrement aujourd’hui, je relativise beaucoup plus. J’étais limité dans l’entraîneme­nt, j’ai repris par le vélo d’appartemen­t avant de pouvoir remonter sur un vrai vélo. Vous n’appréhendi­ez pas le retour sur la route ?

Je savais que j’allais reprendre. J’ai commencé par une sortie « vélo plaisir » avec des copains en octobre dernier. Pour l’anecdote, on s’est fait un sprint entre nous en haut d’une bosse. J’ai touché un de mes amis et je suis tombé. Je n’avais rien mais je me souviens des visages paniqués de tout le monde à ce moment-là. Je ne l’ai pas dit tout de suite à mes proches mais je crois que maintenant tout le monde va être au courant (rires). À quel moment avez-vous su que vous alliez reprendre la compétitio­n ?

Dès le mois de décembre. Le club m’a redonné un vélo, j’ai donc repris la saison en mars. Je n’ai rien fait, aucun résultat. C’était abandon sur abandon. J’avais peur de la chute, je n’osais pas frotter alors j’étais toujours en queue de peloton. Autour de moi, on me disait de m’accrocher, que ça allait revenir. Je termine tout de même une course 21e en mai dernier, presque dans les points. Et aujourd’hui, la page estelle tournée ?

Je n’ai quasiment aucune séquelle physique, il faut juste accepter les cicatrices. Je compte bien me préparer cet hiver pour faire la meilleure saison possible. Tant que je n’aurai pas regagné une course, vécu cette sensation exceptionn­elle de lever les bras sur la ligne, il me manquera quelque chose. Je veux montrer que je suis redevenu le même.

« J’étais un sac d’os » « J’ai tout de suite réclamé mon vélo » « Tant que je n’aurais pas gagné une course, il me manquera quelque chose »

Et pour ce qui est de l’extrasport­if, où en êtes-vous du procès lié à l’accident ?

C’est en cours, avec l’assurance de la voiture qui était stationnée. Des experts m’ont fait passer toute une batterie d’examens, ils m’ont diagnostiq­ué « non consolidé », je ne suis pas encore tout à fait guéri selon leurs critères. Je dois donc attendre une nouvelle expertise à la date anniversai­re de l’accident pour en savoir plus sur mon indemnisat­ion corporelle. J’ai fait appel à un avocat spécialisé. Entre le transport par hélicoptèr­e à l’hôpital, le matériel cassé pour près de 10 000 euros et les autres dépenses, il y a eu beaucoup de frais. Quels sont vos objectifs pour l’année prochaine ?

En tout cas, 2017 sera mon année ! Je suis motivé pour faire une grosse saison de compétitio­n avec mon clun de l’OC Vald’Oise 95. Je pense même à me tourner vers le VTT par la suite. On a déjà fait une course en relais avec des amis. Je suis tombé sept fois… mais on a gagné !

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