Le Courrier de Mantes

L’enfer des voisins d’un « Diogène »

Au centre du village, plusieurs habitants vivent à côté d’un homme atteint du syndrome de Diogène, un trouble du comporteme­nt. Ils respirent depuis plus de deux ans des odeurs pestilenti­elles et ne savent plus à qui s’adresser pour mettre fin à ces nuisan

- Francine Carrière

Lorsqu’il a acheté sa maison au coeur du village, le musicien et compositeu­r Alain Daniel pensait avoir déniché un petit coin de paradis. Un lieu idéal pour travailler.

Au bout de quelques mois, sa vie a pourtant tourné au cauchemar. « Je me réveillais la nuit en nage avec des odeurs désagréabl­es. Je ressentais constammen­t des états grippaux. Je perdais l’appétit », raconte-t-il.

Il n’est pas le seul à ne pas se sentir bien : sa compagne a des nausées et son chat commence à perdre ses poils. Et puis il y a toujours une mauvaise odeur indéfiniss­able et de plus en plus présente. Impossible d’ouvrir les fenêtres côté rue tant cela

devient pestilenti­el. « C’est le vétérinair­e qui s’est occupé du chat qui m’a alerté sur les origines de nos troubles. Pour lui, des émanations toxiques pouvaient venir d’une habitation voisine. »

L’enquête n’est pas longue pour découvrir l’origine de tous ces maux. L’odeur vient en fait d’un studio situé au rez-dechaussée de sa maison (dont la partie d’habitation se trouve au 1er étage).

Le petit appartemen­t, qu’au départ il pensait vide, est, en fait, occupé par un homme âgé d’une cinquantai­ne d’années qui souffre du syndrome de Diogène, une maladie psychique conduisant les personnes qui en sont atteintes à ne rien jeter (lire en encadré).

Alain Daniel intervient alors auprès du maire de l’époque, Catherine Cousin. Après de nombreuses démarches, en février 2014, celle-ci obtient l’ouverture du studio. Et c’est la stupeur : les ordures s’entassent partout. On a même du mal à ouvrir la porte.

Dans cet appartemen­t de 30 m2, pas moins 20 m3 d’immondices sont évacués. « Il a fallu près de 15 jours pour tout nettoyer et décontamin­er. Les ouvriers portaient des masques. Je me souviens d’un jeune gars costaud qui a fait un malaise », explique Alain Daniel. Catherine Cousin demande un placement en hôpital psychiatri­que de l’occupant des lieux, mais la famille, notamment son père, propriétai­re du studio qui l’héberge à titre gracieux, signe une décharge. Quelques jours plus tard, revoilà notre « Diogène » dans la place. Et avec lui, peu à peu les odeurs insupporta­bles reviennent. Avec les chaleurs de cet été, cela devient à nouveau invivable. Alain Daniel décide donc d’alerter à nouveau la mairie.

Il y a quelques semaines, un jeune homme qui a récemment emménagé dans le studio situé juste en face s’inquiète à son

tour des odeurs. « Je suis allé frapper à sa porte et il m’a laissé entrer. Il y avait des sacs poubelles absolument partout et dans les toilettes,

c’était l’enfer », témoigne-t-il. Tous les deux seront reçus par le nouveau maire, Thierry Jorel. La mairie prévient le père, en tant que propriétai­re, qu’elle souhaite visiter l’appartemen­t. Quand début septembre, Thierry Jorel se rend sur place, les sacs poubelles ont disparu et les toilettes ont été débouchées. Alain Daniel en a vu la trace dans son

20 m3 d’ordures dans le studio Sentiment d’abandon

sous-sol où passe la canalisati­on du studio, qui s’est mise à suinter d’excréments.

« Le maire nous a expliqué que, selon lui, l’appartemen­t n’était pas insalubre et qu’il lui avait donné 15 jours pour le passer à la lessive », s’étonne

Alain Daniel. Là, on se sent abandonnés, impuissant­s. Nous vivons isolés. Il n’est pas question de recevoir nos amis. C’est une expérience traumatisa­nte pour moi et ma compagne. » Contacté par Le Courrier de Mantes, le maire Thierry Jorel répond que « des choses sont en cours » et qu’il n’a « rien à dire sur cette affaire ».

Pourtant, la semaine dernière, l’odeur qui régnait dans le couloir près de l’appartemen­t était tout simplement irrespirab­le. Alain Daniel et ses voisins, eux, ne savent plus à qui s’adresser pour que cet homme atteint d’une forme lourde de la pathologie liée au syndrome de Diogène soit pris en charge afin que leur calvaire cesse.

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En février 2014, après une interventi­on du maire de l’époque, 20 m3 de détritus avaient été retirés de l’appartemen­t totalement insalubre d’un homme âgé d’une cinquantai­ne d’années.

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