L’énigme de la famille Salomon
Cette famille juive mantaise, dont le vrai nom était Schimianski, a disparu à Auschwitz en laissant très peu de traces. Professeur d’histoire au collège George-Sand à Magnanville, Thierry Andro a entrepris de reconstituer son existence avec ses élèves.
« Mme Salomon et ses deux enfants devant sa boutique. »
La même photo - celle que nous donnons - a été publiée dans la somme en trois volumes du Groupe de recherches et d’éditions mantaises (Grem), Mantes et Mantes-la-Ville de 1789 à nos jours. On ignore s’il existe d’autres images des Salomon.
Dans le livre de Martin et Racaud, on lit qu’Albert et Irma tenaient un commerce de casquettes place du Marché-auBlé, jusqu’à ce que les mesures antijuives s’abattent sur eux :
« L’interdiction de tenir commerce oblige M. Salomon à rechercher un autre emploi afin de faire vivre sa petite famille. Il se fera charretier. Les occupants le surveillent étroitement et lui font obligation de rejoindre son domicile le soir avant vingt heures, faute de quoi il sera passible d’une amende de trois jours de prison. »
Les Salomon avaient deux enfants, Jean et Annette, nés à Mantes en 1935 et 1937.
Thierry Andro se demande pourquoi le véritable patronyme de cette famille, Schimianski, est passé aux oubliettes. Salomon était en fait le prénom du père d’Albert. Avant-guerre, cet homme vivait avec eux au 23, place du Marché-au-Blé. En atteste le registre du recensement de 1935, accessible en ligne.
Le site Internet du Mémorial de la Shoah indique qu’Albert Schimianski (né le 27 septembre 1897 à Paris) a été déporté à Auschwitz par le convoi n° 68 du 10 février 1944. Sa femme (née le 3 décembre 1903 à Senones, dans les Vosges) et leurs enfants ont pris la même direction par le convoi n° 69 du 7 mars1944.
À Mantes, une rue piétonne proche de la place Saint-Maclou porte le nom de la famille Salomon. La plaque est fautive : elle donne 1943 comme année de leur déportation. Thierry Andro se dit qu’il y a peut-être quelque chose à faire : rétablir le nom, les faits, les dates. Il emmènera ses élèves aux archives municipales et au Mémorial de la Shoah, à Paris. L’historien mantais Roger Colombier, auteur d’un livre sur le camp d’internement d’Aincourt, a accepté de participer à son projet.
Après-guerre, la boutique des Salomon-Schimianski a rouvert à l’enseigne des Tissus Joseph. Que sont devenus les objets qui appartenaient à cette famille ? Et les enfants : ne pourrait-on leur rendre un peu d’existence en apprenant quelles écoles ils ont fréquenté, à quels jeux ils jouaient. Il suffirait - peut-être - que des camarades de classe, nés vers 1935, témoignent.
Le véritable nom des Salomon est passé aux oubliettes