Le Courrier de Mantes

« Ramasseur de modesties » ou

- Victoria Bavage

La Bergerie accueillai­t samedi 15 octobre un petit-fils de berger, joueur de flûte et de guitare.

Il s’affaire, tire un câble, vérifie. Lui, c’est Djamel Kouadria, le producteur, et il n’est pas pour rien à la présence d’Hocine Ladjali sur la scène de la Bergerie. « Il est d’ici. Nos pères parlaient ensemble, puis, chacun a suivi son chemin. Vous voyez, là, c’est son père et sa mère », dit-il montrant sur des panneaux, deux personnage­s faits de bric et de broc. Hubert vient d’arriver, qui rejoint ses amis musiciens. « Avec Hocine, j’étais sur son premier album ». « Ce soir, plein de personnes se retrouvent. Et ça, c’est Hocine ! » On s’approche. Il va y avoir du monde « déjà plus de 100 réservatio­ns ». C’est l’heure. Deux jeunes femmes se hâtent. « C’est notre ami qui

joue ce soir » Et d’amis, la salle en est pleine. Ce que Meulan compte d’artistes, de musiciens, de chanteurs est là et attend. Cécile Zammit-Popescu présente le spectacle, le metteur en scène Achille Grimaud, et nous parle d’Hocine Hadjali. Non pas de l’artiste mais bien « de l’ami, du

voisin ». Du gars qui vivait dans la cité du centre, entouré de ces familles du Sénégal, d’Espagne, du Portugal et de Yougoslavi­e, et que tous connaissai­ent. Rendant hommage à ses parents

issus de Kabylie, elle salue le

travail de « ce musicien du monde… que Meulan n’est pas heureuse d’accueillir mais de retrouver ».

Kabyle, fils, frère, musicien, ami

Tout est dit, car le spectacle est bien celui des re-trouvaille­s. Retrouvail­les avec une ville qui l’a vu grandir, en famille. Une famille venue d’Algérie. Sa soeur Takit, un roc. Son père cantonnier, l’Américain, qui portait moustaches et costume, et lui a appris la bricole « ce qu’il y avait dans ses poches ! », mais aussi la moralité. Une mère, non une princesse, au visage pour moitié tatoué, qui faisait ce couscous au goût d’amour et dont le

coeur saignait. « Maman, une

chanteuse de fenêtre », prise de moments de déraison, hurlant parfois, paranoïaqu­e peutêtre, déplacée assurément, mais aimante gardienne de la famille et de ses traditions.

Trouvaille­s, trésors, aussi modestes soient-ils, qui remplissen­t son camion – seuls éléments du décor hormis la guitare – et rassurent son coeur. Car Hocine ne peut s’empêcher de fouiller : « Je ramasse, ma mère meurt, je ramasse… » ces objets laissés pour morts. C’est qu’Hocine,

« enfant instable » à l’oreille pourtant si sensible, qui comprend les notes plus qu’il ne les lit, connaît les instrument­s mais n’a pas pu faire d’études. Croisant en lycée profession­nel son

destin - un professeur de guitare - il est plus tard sélectionn­é et devient le musicien d’une troupe de théâtre. « J’ai de la chance, je fais aujourd’hui un métier qui me plaît, et tout ce que je sais, c’est ce que mes parents m’ont transmis. »

Quand le spectacle s’achève, la salle est émue. Mais Hocine n’en a pas fini. À son tour, il attend un échange, veut sa photo de ce public ami, suscite le souvenir. Et le passé resurgit, vibrant de tendresse. Un jeune homme le rejoint sur la scène. Il lui confie un portrait de sa mère. Cette mère est bien là, auprès du père. Ils veillent à l’entrée sur leur petit. Qu’ils se rassurent, il a bien grandi !

 ??  ?? Hocine conte et chante sa vie, entouré de ses trésors, ses amis.
Hocine conte et chante sa vie, entouré de ses trésors, ses amis.

Newspapers in French

Newspapers from France