Imbroglio juridique sur la Dalle
Bail emphytéotique, copropriété, démolition, réhabilitation… Le projet de rénovation de la dalle du Val Fourré voulu par la mairie et l’Epamsa semble complexe à mettre en place. Explications.
La rénovation de la « centralité » de la dalle du Val Fourré est un projet de grande envergure que la mairie a à coeur de mener à son terme. La signature du protocole de préfiguration ANRU, intervenue le 22 mars dernier au siège de GPS&O, devrait permettre le déblocage prochain des crédits et marquer la fin de la rénovation du Val Fourré, avec notamment la réhabilitation complète des dalles commerçantes Ronsard et Clemenceau.
En plus du projet de rénovation et de remise aux normes des cellules commerçantes suite à l’arrêté préfectoral pris en avril 2015, voici que les huit magasins situés tout à côté de la salle des fêtes, le long de la rue Fontaine, et qui avaient été incendiés en 2013, sont en passe d’être reconstruits. Le permis de construire, validé par la mairie il y a déjà deux ans, vient d’être apposé sur les palissades en tôle. « La démolition va intervenir dans quelques jours, explique Merzouk Boudène, le syndic de
la copropriété. Suite au sinistre, des experts ont été nommés le temps d’établir les responsabilités et de procéder aux remboursements. La copropriété a reçu l’argent, nous pouvons donc déclencher le chantier. »
Un chantier de reconstruction de huit magasins qui va donc intervenir alors même qu’un projet de destruction de ces
mêmes locaux est en cours de
réflexion… Bizarre. « Le sinistre est intervenu sur une assiette foncière qui est la propriété des commerçants. Ils ont donc le droit de reconstruire leurs
commerces », affirme le syndic. Une simple réflexion qui nous a mis la puce à l’oreille et donné envie d’en savoir plus sur « ce qui appartient à qui sur la dalle »… Car si les commerçants peuvent reconstruire leurs cellules sinistrées comme bon leur semble puisqu’ils en sont propriétaires, comment est-il possible que la mairie et l’Epamsa (établissement public d’aménagement du Mantois Seine Aval) annoncent
vouloir « tout démolir pour reconstruire » ?
On le sait, la première tranche des travaux concerne le périmètre défini entre la rue du Docteur-Bretonneau et le boulevard Georges-Clemenceau. Un périmètre comprenant notamment le magasin Val Prim. Lors du conseil municipal du 20 février dernier, le maire, Michel Vialay, annonçait vouloir « tout
raser » pour reconstruire « des
logements et des commerces, notamment une grande surface commerciale […], ainsi qu’une autre, de taille
moyenne. » Si, sur le papier et dans la bouche des décideurs, les choses semblent simples, dans la réalité, il n’en est rien.
Le Val Fourré est un endroit complexe en terme d’urbanisme. Pour tenter de mieux comprendre, le cabinet de géomètre Egeto, situé à Mantes et désigné en 2015 pour établir des plans récents nous a reçus et expliqués. En réalité, la dalle commerçante appartient bien à la copropriété, c’est-à-dire aux commerçants. C’est une « pleine propriété »,
à savoir du tréfonds au surfonds, soit du centre de la terre jusque très haut dans le ciel. Seules trois parties distinctes ne leur
appartiennent pas. « La mairie possède ce que l’on appelle Le Cube, partie où se trouvent notamment le hammam et la Mission Locale, ainsi que le parking situé à l’angle de Bretonneau et Clemenceau, et le lot Val Prim. »
Tout le reste est donc l’entière propriété des commerçants. La mairie est liée à la copropriété par un bail emphytéotique consenti pour une durée de trente ans. Il s’achèvera en 2027. Ce bail donne à la mairie « la charge de réaménagement et d’entretien de la dalle centrale et de ses accès ». Radouane Atroussy, le président des copropriétaires commerçants s’insurge d’ailleurs depuis longtemps contre « le manque d’entretien de la dalle qui incombe à la ville. Il y a des trous partout, le parking n’est pas aux normes, etc. »
Sur la partie qui comprend le parking, Val Prim, mais aussi - et surtout - plusieurs cellules commerçantes, lorsque la mairie annonce vouloir « tout raser », elle ne le peut pas vraiment. Elle peut détruire Val Prim dont elle a la propriété complète, mais pas la banque, ni le bazar accolés à Val Prim. « Du point de vue juridique, le seul moyen est
de passer par une Déclaration d’utilité publique, et de procéder ensuite à l’expropriation des commerçants. » Expropriation… C’est bien le mot que les propriétaires redoutent
d’entendre. « On est d’accord pour une réhabilitation de la dalle, mais on ne veut pas perdre nos biens », a-t-on déjà pu entendre sur le sujet.
Huit cellules bientôt reconstruites « On veut tout raser. » Bail emphytéotique et pleine propriété Bras de fer annoncé
Et cette règle de la déclaration d’utilité publique devrait s’appliquer à tous les locaux dont la puissance publique n’est pas propriétaire ; Les travaux annoncés sur la dalle du Val Fourré semblent donc loin d’être réalisés. « Comment une ville peut-elle monter un projet d’une telle envergure sur une assiette foncière qui ne lui appartient pas ? », s’indigne un commerçant concerné et très au fait du problème. « C’est comme si j’étais locataire d’une maison et que, sous prétexte qu’elle ne me plaît plus, je décidais de la raser… Pensez-vous que le propriétaire des lieux serait satisfait ? » Sans doute pas, en effet…
Compte tenu de la complexité juridique inhérente au lieu, les travaux de réhabilitation de la dalle du Val Fourré, tant souhaités par la mairie et par l’Epamsa, risquent de ne pas être lancés de sitôt. On pourrait plutôt se diriger vers un bras de fer sur fond de DUP.