Le Courrier de Mantes

La gestion « sénile » de Mantes-la-Ville par le FN

Professeur de lettres à Saint-Exupéry, Bérenger Boureille publie le Front du mépris, un essai qui étrille joyeusemen­t la gestion de sa commune par le parti d’extrême droite sans éluder la responsabi­lité de la gauche.

- Claude Cécile

Membre de la section mantevillo­ise du PS, Bérenger Boureille aurait pu écrire un bouquin formidable : l’histoire, racontée de l’intérieur, de la délirante campagne des municipale­s de 2014. Quel livre ç’aurait été ! Sauf qu’au bout du bout, il aurait trouvé quoi ? Des haines recuites, des

« querelles corses dont personne n’est capable de retrouver l’origine ».

Rien de vraiment explicatif en somme. Bérenger Boureille a préféré s’attacher à l’histoire longue, partant du principe que la conquête de Mantes-laVille par le Front national avec 30 % des suffrages n’est pas qu’accidentel­le. Elle ne résulte pas seulement de l’incroyable guerre que se sont menées deux fractions du Parti socialiste local. Elle vient de beaucoup plus loin. Pour que l’accident survienne, il a fallu que le terrain soit bien préparé.

La seule question qui vaille pour Bérenger Boureille est donc :

« Quand, comment et pourquoi avons-nous collective­ment perdu les catégories populaires ? »

du PS est écrasante, même du temps où il n’avait pas encore été gagné par les théories libérales de Terra Nova. N’est-ce pas lui qui, à Mantes-la-Jolie, il y a de cela plusieurs décennies, a décidé d’exiler la maison des syndicats à la périphérie, quand elle occupait précédemme­nt une place centrale ?

D’où parle le professeur de lettres de Saint-Ex formé à l’École normale supérieure de Lyon, qui manie la belle langue ?

« A 36 ans, le FN a toujours appartenu à mon horizon politique. J’ai reçu les premières impression­s de la vie collective au moment où il commençait de la pourrir. On m’a légué la crise permanente, une dette colossale et la famille Le Pen occupée à faire son beurre au sommet de ce glorieux édifice. »

La région a vécu la perte de milliers d’emplois industriel­s, l’histoire est connue :

« C’est peu de dire que l’État ait été aux abonnés absents pendant le bain de sang industriel des années 80-90, dont Mantesla-Ville ne s’est pas relevée. On n’a jamais été sur le dessus de la pile pour les projets d’infrastruc­tures des vingt dernières années. »

L’organisati­on de l’espace achève de faire du Mantois un no man’s land. Avec Limay, Mantes-la-Jolie et Mantes-laVille, on a

« un fleuve, un port, trois gares, une autoroute. Mais dans trois villes différente­s dont chacune s’est payé le luxe d’ignorer partiellem­ent l’existence des autres. Les voies de communicat­ion servent de lignes de démarcatio­n ».

Aphorismes

Ce petit livre abonde en formules heureuses, comme autant d’aphorismes. À propos du système de chauffage du Val Fourré, régulièrem­ent en panne :

« Il est dommage mais bien dans l’esprit du temps que la rénovation de la chaufferie et son passage en biomasse aient été calibrés pour seulement 30 % du quartier : je ne dois pas être nombreux à trouver ça joli, l’idée qu’une industrie vascularis­e une ville. »

Boureille étrille joyeusemen­t la pensée économique frontiste :

« La baisse des subvention­s au FC Mantois a retenu l’attention, mais derrière la main malveillan­te aux jeunes, on entrevoit aussi une avarice sénile : pour le Front national, un investisse­ment est une dette. »

Car l’auteur a repéré des constantes dans les onze villes FN :

« À l’abri des écrans de fumée qui leur garantisse­nt à peu près de gagner leurs galons de gestionnai­res crédibles, les maires Front national se livrent à des exercices d’administra­tion communale de niveau maternelle. »

À Mantes-la-Ville, on vote le budget ce soir.

Bérenger Boureille,

Éditions Stock, 162 pages, 17 €.

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