Un policier témoigne : « On ne vit plus comme avant »
À l’issue de la grande marche blanche qui avait réuni plus de 3 000 personnes en hommage à Jessica Schneider et JeanBaptiste Salvaing, le 16 juin à Magnanville, le commandant Bruno Estèbe avait pris la parole au nom des policiers. Ses propos témoignaient du chagrin d’avoir perdu aussi tragiquement des collègues, des amis, mais aussi de la colère et de l’exaspération des policiers.
Un an après le drame, le souvenir de ces heures noires est vivace. La colère reste contenue, mais bien réelle.
Le commandant, en charge d’une unité d’une cinquantaine de fonctionnaires au commissariat de Mantes-la-Jolie, note quelques améliorations : « Nous sommes un peu mieux dotés en matériel. Nous apprécions aussi que la justice ne laisse plus rien passer lorsqu’il y a des actes ou des propos faisant l’apologie du terrorisme. Je pense aussi que les services de renseignements travaillent
mieux ». Mais cela ne suffit pas à calmer l’inquiétude des femmes et des hommes du commissariat
de Mantes-la-Jolie. « Il n’y a pas eu d’évolution nette. Dans le quotidien d’un policier d’un
commissariat implanté dans une zone sensible, rien n’a changé. Nous sommes très vigilants et très méfiants. La plupart d’entre nous, rentrons armés chez nous. Il n’y a plus de pause, plus de répit entre la vie professionnelle et la vie personnelle », explique Bruno Estèbe. « Nous ne pouvons plus vivre comme avant. Nous savons que les policiers sont des cibles. Nous craignons pour nous, mais surtout pour nos familles et notre entourage. On vérifie que l’on n’est pas suivi, on verrouille tout chez nous. Pour les familles, c’est pesant », poursuit-il. Il se dit de plus en plus inquiet pour ses collègues : « Ce n’est
pas terminé. Lors d’interpellations ou de gardes à vue, nous sommes régulièrement confrontés à des individus qui hurlent leur allégeance à Daech et leur haine viscérale de la police. »
Lors de sa prise de parole l’an dernier, il avait demandé notamment que les policiers qui sont amenés à faire des interpellations quotidiennes puissent avoir connaissance des personnes fichées S sur
leur secteur. « Certes, on peut comprendre le souci de discrétion. Mais lorsque nous intervenons pour une interpellation à domicile, nous ne savons pas qui se trouve dernière la porte. Il peut s’agir d’une personne fichée mais nous ne le savons pas. »
Après cette intervention très médiatisée à l’époque, il avait été contacté par le ministère de l’Intérieur : « Mais il n’y a
pas eu de suite », constate le commandant. Quoi qu’il en soit, il assure que « les policiers seront toujours prêts à faire face à une attaque de quelque nature qu’elle soit ».