Un beau livre va paraître sur la filature Le Blan
Jusqu’à 500 ouvriers - ouvrières, surtout - y ont travaillé : un bel album consacré à la filature Le Blan sortira pour les prochaines Journées du patrimoine.
Des photos inédites, datant de l’ouverture de la filature Le Blan (1918), des documents rares et des témoignages : l’album de Marie Prat et Jacques Boutet, qui va être publié par les soins de l’association La Machinerie le 16 septembre pour les Journées du patrimoine, est susceptible d’intéresser largement : l’usine de la rue Camélinat a employé jusqu’à 500 ouvriers. Et sa mémoire est encore vive à Mantes-la-Ville : parmi les informateurs du livre, un couple, Jacques et Paulette Maugé, a beaucoup contribué. Elle y fut ouvrière de 1946 à 1952, et lui de 1949 à 1955.
La quête de nos auteurs les a conduits à Roubaix consulter les Archives nationales du monde du travail. Fondateurs de la Machinerie, cette association qui milite pour la préservation du bâtiment où se trouvait la centrale à vapeur de l’usine combat toujours en cours ! -, ils cherchaient d’abord à documenter une architecture. Mais ils racontent qu’en tirant un fil, c’est toute une histoire collective qui s’est dévidée. Le petit-fils du directeur de l’usine Raymond Janot (de 1921 à 1955) leur a procuré des images et même des films courts qui seront projetés le jour de publication. Jacques Boutet a rédigé la partie technique du livre : l’architecture de l’usine, sa structure en béton armé audacieuse pour l’époque (on disait alors « ciment armé »), le vaste atelier de 70 m sur 150 m aujourd’hui partagé entre l’Aforp (le centre de formation) et la Sagem, mais aussi la centrale à vapeur dont la double fonction était d’entraîner une génératrice électrique et de chauffer l’usine : la température y être maintenue, apprend-on, à 24 degrés, faute de quoi le fil cassait. Ce fil était destiné à être tissé, dans d’autres usines, en toile d’avions ou de pneumatiques.
Marie Prat a traité la vie ouvrière, l’usine dans la guerre, la fermeture de la filature en 1961 et sa reconversion en fabrique de biscottes. À son démarrage, l’usine faisait travailler des ouvrières à partir de 13 ans. Les Le Blan se voulaient d’un patronat relativement social : l’usine aurait dans les décennies suivantes sa crèche collective, sa cité-jardin, sa coopérative d’achats. Mais, prononçant l’éloge du directeur au moment de son départ à la retraite, et retraçant sa carrière, le patron Jacques Le Blan voudrait faire court sur le Front populaire : « 1936. Passons. C’est un souvenir pénible. Une sorte d’ouragan a traversé toute la France, a bousculé toutes les usines. Mais réjouissonsnous de constater que ce fut la seule dispute de ménage que nous ayons connue au cours de ces trente-six années d’existence. »
Il a fallu, parfois, démêler l’écheveau des souvenirs : des témoins juraient que la cheminée de l’usine, haute de 60 mètres, avait explosé et était tombée un jour d’été. Mais non, c’était le 29 décembre 1968. L’accident n’avait pas fait de victime.
« 1936. La seule dispute de ménage que nous ayons connue. »