«Dunkerque»
DE CHRISTOPHER NOLAN
Steven Spielberg, Stanley Kubrick, Clint Eastwood, Sam Mendes ou, plus récemment, Mel Gibson : tout porte à croire que chaque grand réalisateur se sent obligé de s’essayer au film de guerre au moins une fois dans sa carrière, comme pour prouver, si besoin était, qu’ils sont des auteurs avec un grand A, en s’attaquant à un genre dit « noble ». Il n’a bien sûr pas été précisé si c’est cette volonté qui a poussé Christopher Nolan à faire de même, mais le voici donc qui signe « Dunkerque », centré sur l’opération Dynamo visant à évacuer le maximum de soldats britanniques du Nord de la France, entre le 20 mai et le 3 juin 1940. Ou plutôt, la façon dont certains ont tenté de survivre, sur terre, sur mer ou dans les airs. Comme dans « Inception » et, dans une moindre mesure, « Interstellar », le cinéaste entremêle en effet trois niveaux de temporalité, et cherche moins à retranscrire que ce que bon nombre de livres d’Histoire feront tout aussi bien qu’à nous immerger aux côtés de ses personnages. Des anonymes qui n’ont parfois pas de nom, aux côtés desquels nous tremblons et vibrons. Parfois au sens propre, tant le travail sur le son rend l’expérience encore plus spectaculaire et nous donne l’impression de voir les avions passer près de nous. Très resserré (moins de 110 minutes au compteur, générique compris) et soutenu par une formidable bandeoriginale d’Hans Zimmer, aux allures de course contre la montre, « Dunkerque » fonctionne sur le même principe que « Gravity », dont il pourrait être le pendant guerrier. Dans l’un comme dans l’autre, le réalisateur maîtrise tous les éléments en sa possession et s’approprie un genre pour signer un film qui lui ressemble avant tout. Loin des twists et concepts derrière lesquels il a pu (à tort) être accusé de se cacher, Christopher Nolan épure son cinéma et parvient même à susciter une émotion absente de bon nombre de ses longs métrages précédents. Peut-être pas au point de se réconcilier avec les allergiques à son travail, mais on ne pourra pas lui reprocher de savoir changer de registre. Surtout s’il frappe toujours aussi fort.