Le Courrier de Mantes

Projet d’extension Calcia : l’enquête publique fait polémique

L’expert chargé de l’enquête publique sur le périmètre de protection de sources d’eau à Drocourt et Sailly est un ancien de chez Calcia. Problème, les résultats de l’enquête influent sur l’activité du cimentier. Les anti-Calcia y voient là un conflit d’in

- Renaud Vilafranca

Un recours gracieux vient d’être déposé en préfecture par les opposants à l’extension de la carrière de Guitrancou­rt. Ils demandent l’annulation d’un arrêté de déclaratio­n d’utilité publique portant notamment sur le périmètre de protection d’une source de Sailly et d’une zone de captage d’eau située à Drocourt. L’Associatio­n vexinoise de lutte contre les carrières cimentière­s (AVL3C) estime que l’enquête publique préalable, réalisée du 5 janvier au 6 février 2017, est entachée d’irrégulari­tés.

L’associatio­n dénonce un conflit d’intérêts

L’enquête a abouti à la création d’une zone protégée de 240 hectares autour de ces deux ouvrages qui alimentent en eau potable près de 4 000 habitants des villages alentours. L’exploitati­on du sous-sol y est désormais interdite. Cet espace est voisin des 550 hectares de la zone 109, répartis entre Fontenay-SaintPère, Guitrancou­rt, Brueil-enVexin et Sailly, dévolus depuis 2000 à l’industrie cimentière, où Calcia peut entreprend­re d’ouvrir une carrière.

Son gisement de Guitrancou­rt arrivant à terme, c’est dans cette zone que le géant du ciment compte implanter sa future exploitati­on : une centaine d’hectares qui devrait voir le jour d’ici quelques années à Brueil-en-Vexin, à quelques kilomètres seulement du périmètre sacralisé.

Les anti-Calcia pointent du doigt le parcours profession­nel du commissair­e enquêteur désigné par le tribunal administra­tif. Gilles Gomez, expert géologue aujourd’hui à la retraite, a passé 19 ans chez… Calcia. Les opposants, qui ont découvert ses liens avec l’entreprise après la clôture de l’enquête, pensent qu’il aurait essayé d’influencer la procédure en faveur de son ex-employeur, en définissan­t un périmètre « anormaleme­nt

étroit » pour ne pas perturber son activité d’extraction. « Il y a un conflit d’intérêts manifeste, dénonce Dominique Pélegrin, présidente d’AVL3C. Ce Monsieur ne nous a pas semblé impartial. Il faisait mine de ne pas comprendre ce que l’on disait. Certains documents que nous lui avons transmis n’ont même pas été annexés dans son rapport. »

Durant l’enquête publique, l’associatio­n militait pour la mise en place d’un « périmètre de protection éloigné » autour de ces sources.

La loi autorise la mise en place d’une telle dispositio­n en cas de proximité avec une industrie polluante, à l’image de l’exploitati­on de calcaire. « C’est essentiel pour protéger l’alimentati­on des sources. Nous

étions soutenus dans notre demande par 400 personnes, dont vingt élus », assure Dominique

Pélegrin.

Étonnammen­t, malgré son passé chez Calcia, dans son rapport, le commissair­e-enquêteur a souligné qu’il ne pouvait pas se prononcer sur la question, par méconnaiss­ance du dossier, pourtant vieux de plus de vingt ans, et en l’absence de demande d’extension déposée en préfecture par l’entreprise.

Justement, cette démarche a été effectuée auprès des services de l’État le 4 juillet dernier, soit le lendemain de la signature par le préfet de l’arrêté déclarant d’utilité publique les points d’eau. Coïncidenc­e peut-être, mais cela sème encore un peu

plus le trouble dans l’esprit des

membres de l’AVL3C. « Cela illustre encore une fois la volonté de l’État, qui marche main dans la main avec les industriel­s, pour faire passer en force des projets dévastateu­rs pour notre environnem­ent », s’insurge la présidente. Les élus du Parc déposent aussi un recours

Qu’en pense Calcia, qui aurait pu à la fois être avantagé mais aussi pénalisé par cette désignatio­n maladroite, si jamais Gilles Gomez était parti en mauvais terme de l’entreprise ? « Calcia n’est pas concerné par ce point, répond une porte-parole de la direction. Selon un rapport de l’ARS (l’Agence régionale de santé), le bassin d’alimentati­on de la zone de captage ne s’étend pas jusqu’à Brueil. » Les militants anti-carrières peuvent compter sur le soutien

du Parc naturel régional (PNR) du Vexin, qui va, lui aussi, intenter un recours contre l’arrêté controvers­é. « Cette déclaratio­n d’utilité publique ne tient pas du tout compte de la présence de la zone 109, réagit Bruno Caffin, maire de Brueil-en-Vexin et élu du PNR. L’exploitati­on du calcaire représente un danger pour la nappe phréatique et les eaux souterrain­es. Le périmètre de protection qui a été défini est clairement insuffisan­t. » À titre personnel, il émet aussi des réserves sur l’attitude du

commissair­e-enquêteur : « Il ne semblait même pas être au courant du projet d’extension des carrières, confie-t-il. C’est étonnant au regard de son passé chez Calcia. »

Sollicités à propos de cette embarrassa­nte nomination, la préfecture et le tribunal administra­tif n’ont pas donné suite à nos demandes.

L’ex-salarié prétend ne pas être au courant du projet

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