«Au revoir là-haut»
Albert Dupontel est l’un des meilleurs cinéastes français en activité, n’en déplaise à tous ceux qui veulent réduire son travail à des comédies énervées aux accents burlesques. Certes, l’échec du « Créateur » en 1999 l’a tenu éloigné de la mise en scène pendant sept années, et « Le Vilain » ne l’est pas autant qu’espéré, et reste son opus le moins convaincant à ce jour. Mais il risque aujourd’hui de réunir tous les suffrages avec « Au revoir là-haut » : aussi bien les aficionados de son cinéma que ceux du livre homonyme de Pierre Lemaître. Car c’est bien au très apprécié Prix Goncourt 2013 que s’attaque le papa de « Bernie », lauréat du César du Meilleur Scénario Original pour « 9 mois ferme », qui signe ici le plus ambitieux de ses films. Et de très loin. Il faut dire qu’avec une reconstitution du Paris de l’après-Première Guerre Mondiale et une incroyable scène de tranchées, il ne fait pas les choses à moitié pour sortir de sa zone de confort avec cette histoire de soldats qui montent une arnaque aux monuments aux morts pendant les Années Folles. Il ne faut pourtant pas longtemps pour se sentir en terrain connu. La reconstitution a beau être impeccable, des décors aux costumes en passant par la photographie, obtenue avec le concours d’un coloriste, les thèmes portés par ces personnages de laissés pour compte, à l’écart de la société, cadrent parfaitement avec le reste de sa filmographie. Avec un soupçon de Jean-Pierre Jeunet (pour qui il a tourné « Un long dimanche de fiançailles », situé à la même époque), de Buster Keaton et surtout de Charlie Chaplin, dont l’influence se fait plus que jamais sentir chez Albert Dupontel, pour la façon qu’à ce dernier de traiter des sujets graves avec un ton plus léger. Et comme bien souvent, le casting donne dans le sans-faute, à commencer par son partenaire Nahuel PerezBiscayart, qui accroît ici ses chances de remporter un César l’an prochain, après sa prestation dans « 120 battements par minute », avec ce rôle de gueule cassée qui se cache derrière des masques qui illustrent fort joliment son parcours et ses émotions. On regrettera juste des seconds rôles féminins sous-utilisés, même si ce défaut n’empêche pas le film de se situer dans le (très) haut du panier de la production française de 2017.