Médiation dans les quartiers : le cri d’alarme du braqueur repenti
Yazid Kherfi, ex-braqueur, aujourd’hui diplômé en sciences de l’éducation sillonne les cités dans son camion, à la rencontre des jeunes. Il vient de publier un livre dans lequel il explique l’urgence de réintroduire de la médiation dans les quartiers.
« Les maisons de quartier ont des horaires de mairie. C’est une aberration ! Il faut être sur le terrain la nuit pour toucher les jeunes difficiles, sinon d’autres personnes, mal intentionnées, s’en chargeront. » Yazid Kherfi, ex-braqueur reconverti dans la médiation itinérante dans les cités, tire le signal d’alarme. Pour cet homme de 58 ans, qui a grandi au Val Fourré à Mantes-la-Jolie, il est urgent de réintroduire la médiation urbaine.
Il en est question dans son deuxième ouvrage Guerrier non violent, mon combat pour les quartiers, dans lequel il retrace son parcours depuis sa sortie de détention, en 1987.Un livre qu’il a présenté, ce mardi, à la librairie La Nouvelle Réserve à Limay.
« Il faut mettre des gens honnêtes au milieu des gens malhonnêtes, poursuit-il. Moins les jeunes vont s’ennuyer, moins ils feront de bêtises. » Désormais enseignant à l’université de Nanterre (92) en master de sciences de l’éducation,
il se base sur son expérience personnelle pour livrer cette analyse. « En bas de chez moi, le soir, rien n’était ouvert. Les seuls qui m’ont tendu les bras, ce sont les voyous. Il n’y avait qu’eux qui m’aimaient, qui m’écoutaient. »
Les « bonnes rencontres » de l’époque l’ont fait sombrer dans l’abîme. À l’adolescence, pour impressionner les grands, il a enchaîné les petits larcins. Lors de son premier séjour en prison, il rencontre un braqueur qui lui apprend les ficelles du métier. Après, ça a été l’escalade. Jusqu’à ce jour de 1981, où l’un de ses copains meurt, touché par une balle de la gendarmerie après une série de braquages. S’ensuivra une cavale, en Algérie. 1984, retour en France : il est arrêté et passera cinq années en détention.
Ce parcours, il veut éviter que d’autres le reproduisent. C’est pour cela, qu’avec son camping-car, il va de cités en cités, pour « rétablir le dialogue » entre jeunes et institutions. « En cinq ans, j’ai passé 225 soirées avec le camion, en région parisienne et en province », précise celui qui fut fiché au grand banditisme. À l’initiative des mairies, jusqu’à minuit, il déploie chaises et tables au milieu des quartiers difficiles, met de la musique, sort les jeux de société et sert le thé à la menthe, pour « recréer du vivre ensemble ».
« Je suis un facilitateur de rencontres entre les jeunes et les représentants de l’État, qu’ils soient policiers ou travailleurs sociaux. J’aide chacun à comprendre l’autre, explique-t-il. Si ces institutions ne comprennent pas les personnes à qui elles ont affaire, elles ne pourront jamais régler les problèmes. C’est du social qu’il faut faire avec ces jeunes désoeuvrées, pas du tout sécuritaire. »
Son camion, une « alternative aux maisons de quartier », est là aussi pour montrer aux municipalités l’intérêt de ce type de structure, et les aider à en développer. Car pour lui, il y a urgence à agir dans ce domaine. « Il faut faire exister ces jeunes. Avec leurs capuches, leurs lunettes de soleil, ils vivent dans les sous-sols. Ils n’existent pas. Jusqu’au jour où ils basculent dans la criminalité pour exister, alarme
Yazid Kherfi. Il faut les entourer d’adultes bienveillants. »
« Des gens honnêtes au milieu des gens malhonnêtes »
PRATIQUE
Guerrier non violent, mon combat pour les quartiers, Yazid Kherfi avec Joséphine Lebard et Bahar Makooi. Édition La Découverte. 15 euros.