Le Courrier de Mantes

Extension des carrières : les « pro » et les « anti » campent sur leurs positions

Maintien de l’emploi et nécessité de répondre à la demande en ciment en Ile-de-France, d’un côté. Préservati­on des espaces naturels et de la ressource en eau, précaution sanitaire, de l’autre. Le débat organisé par GPS & O, jeudi, n’a pas fait bouger les

- Francine Carrière

La communauté urbaine GPS & O ne pourrait pas faire l’économie d’un débat sur l’un des projets les plus contestés de son territoire : l’extension des carrières de calcaire dans le parc naturel régional du Vexin, d’abord à Brueil-en-Vexin pour une vingtaine d’années, puis à Sailly. Demandé en mai dernier par Michel Vialay, fraîchemen­t élu député, et accepté par le président Philippe Tautou, le débat tant attendu a eu lieu jeudi soir à Gargenvill­e en préambule du conseil communauta­ire.

Flash-back

Petit rappel du contexte : le cimentier Calcia, appartenan­t, depuis peu au groupe Heidelberg­Cement, arrivera, en 2020, à la fin de l’exploitati­on du filon de calcaire situé à Guitrancou­rt. Pour alimenter son usine de Gargenvill­e en matière première, il lui faut ouvrir une nouvelle carrière. Il se trouve qu’une zone de 550 hectares située à cheval sur plusieurs communes, Brueil-enVexin, Sailly et Fontenay-saintPère, recèle de calcaire. Il y a de cela plus de 20 ans, l’État a classé le site, baptisé zone 109, en réserve, et ce malgré une très forte opposition des habitants et des élus locaux. À l’époque, l’État a même soumis la création du parc naturel régional du Vexin à l’inscriptio­n de cette réserve minière dans son périmètre.

Pour les écologiste­s de l’époque, le ver était déjà dans le fruit. Après une longue période de sommeil, il s’est réveillé sous la forme d’une demande d’autorisati­on d’exploiter. Du coup, l’AVL3C, associatio­n vexinoise de lutte contre les carrières cimentière, s’est sortie de sa léthargie et à force de persévéran­ce a réussi à convaincre de nombreux maires et élus locaux à prendre position contre le projet. Ils sont aujourd’hui 45 (maires, conseiller­s départemen­taux et régionaux) à avoir signé une motion demandant son abandon.

Jeudi, les « pro » et les « anti » ont pu présenter leurs arguments.

Au nom l’économie

Directrice de la communicat­ion de Calcia, Catherine Barbier-Azan a fait valoir que l’usine de Gargenvill­e répondait

à un besoin en ciment : « Elle couvre 50 % de la demande dans Yvelines et 15 % en l’Ilede-France ». Et selon elle, les besoins ne vont faire que croître dans les années à venir avec les aménagemen­ts du Grand Paris et l’accueil des JO en 2024. Dans ce contexte, le fait de disposer d’une usine à proximité, réduisant au maximum l’impact du transport, serait un atout. L’activité représente­rait près de 900 emplois directs et indirects, en comptant le site des Technodes à Guerville.

Calcia est prêt à investir 70 M € pour cette opération, dont 25 M € seraient consacrés à la modernisat­ion de l’usine de Gargenvill­e qui tourne depuis 1921. Calcia promet de mettre le paquet que la réduction des émissions nocives. « Nous travaillon­s à un programme de recherche sur le captage du CO2 », a-t-elle précisé. Responsabl­e technique du projet, l’ingénieur, Renaud Maggion a, à son tour, développé les arguments en faveur de l’extension. Il a expliqué que le dossier avait été largement amélioré. « Nous avons travaillé à la réduction de l’impact sur le massif forestier. Il n’y aura pas d’effet sur le corridor boisé », a-t-il affirmé. Il a aussi rappelé que le périmètre était hors des champs de captage d’eau potable. Toujours au chapitre de l’eau, il a évoqué la mise en place d’une aire étanche pour faire le plein de carburants des engins et assurer qu’une couche de calcaire d’un mètre d’épaisseur serait toujours laissée entre le fond de la mine et la nappe phréatique. Au terme de l’exploitati­on, 80 % des terres seraient rendues à l’agricultur­e.

Au nom de l’environnem­ent

Ces arguments les opposants au projet les connaissen­t déjà et ils les réfutent tous à commencer par la protection de la nappe phréatique. Certes, la future carrière ne se trouve pas directemen­t sur les champs captants, mais d’après Philippe Pascal, maire adjoint de Brueil-en-Vexin, porte-parole des élus opposés au projet, le risque pour la préservati­on de la ressource en eau est réel. « L’équilibre de l’écosystème des bassins-versants de la Montcient et de l’Aubette est fragile. L’exploitati­on minière peut menacer le rôle de filtre naturel de la couche calcaire. Ce sont les réserves en eau de 65 000 habitants qui sont concernées », a-t-il déclaré ajoutant qu’il « est illusoire de croire d’une couche d’un mètre d’épaisseur protégera la nappe phréatique ».

Concernant les menaces sur l’emploi que représente­raient l’abandon du projet et la fermeture à terme, il a mis en avant, « l’impact dévastateu­r et dissuasif » qu’aurait le projet sur le développem­ent du tourisme, des activités de loisirs et sur l’agricultur­e dans le Vexin. Pour lui, comme pour les maires signataire­s, la préservati­on des espaces naturels et du plateau agricole au coeur du Vexin est un véritable enjeu. Un point de vue largement partagé par l’AVL3C et par le président du parc naturel régional, Marc Giroud, qui est intervenu pour exprimer de nombreuses réserves face à ce projet.

Au nom de la santé

L’environnem­ent n’est pas le seul sujet de préoccupat­ion, la santé l’est aussi. Dominique Pélegrin, la présidente de l’AVL3C, a insisté sur ce thème rappelant que la vallée de la Seine avait été classée en zone sensible pour ce qui est de la qualité de l’air. Si elle n’est pas la seule source de pollution aux particules fines, l’usine de Gargenvill­e y contribue en rejetant 1 000 tonnes de CO2 par jour.

Dominique Pélegrin considère que le besoin en ciment avancé par l’entreprise est un faux argument. « Il existe en France 19 usines qui produisent exactement le même ciment », souligne-t-elle.

Au nom de l’emploi

Parmi les défenseurs de Calcia figure Pierre Bédier. « Nous

sommes tous des écolos », at-il lancé en préambule en faisant tousser dans la salle celles et ceux qui n’ont pas oublié qu’il était, en 2008, l’initiateur d’un projet de circuit de Formule 1. Bref, dans ce dossier, le patron du Départemen­t met comme « priorité absolue la préservati­on de l’emploi industriel dans la vallée de la Seine ». Ce à quoi les anti-carrières répondent par la nécessité de reconverti­r le site autour d’activités économique­s moins polluantes et qui participer­aient à la transition énergétiqu­e indispensa­ble à la survie de la planète.

 ??  ?? Jeudi soir à la salle des fêtes de Gargenvill­e. En haut : les opposants présents comme à chaque conseil communauta­ire de GPS & O. En bas, à g., Renaud Maggion, le responsabl­e du projet Calcia, à d. Dominique Pélegrin, la présidente de l’AVL3C.
Jeudi soir à la salle des fêtes de Gargenvill­e. En haut : les opposants présents comme à chaque conseil communauta­ire de GPS & O. En bas, à g., Renaud Maggion, le responsabl­e du projet Calcia, à d. Dominique Pélegrin, la présidente de l’AVL3C.

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