Le Courrier de Mantes

Canne à Pêche : la mairie condamnée pour avoir vendu une portion de route

La commune a été condamnée en 2015 pour avoir « sciemment vendu » à la SCI Les Bords de Seine une portion de route communale. L’affaire agite encore le conseil municipal.

- Claude Cécile

C’est peu dire que l’affaire de la Canne à Pêche s’est étirée en longueur. Plus de dix ans après son commenceme­nt, et la vente par la mairie en octobre 2005 à une société civile immobilièr­e - pour 143 000 € - de cette guinguette, elle agite encore le conseil municipal.

La justice ordonne un bornage

Voici l’histoire : peu de temps après avoir acheté, les associés de la SCI Les Bords de Seine, Xavier et Josiane Chipponi, se rendent compte que sur les 1 810 m2 dont ils se croient propriétai­res, 804 m2 se trouvent sur le domaine public : leur parcelle englobe une partie d’une voie communale, la promenade Marie-Guillet qui longe la voie de chemin de fer. Comment est-ce possible ? Un expert dira plus tard que la création de cette rue, dans les années 1950 ou 1960, n’a pas été correcteme­nt reportée sur le cadastre… Les Chipponi pensaient avoir acquis la promenade plantée d’arbres située au Nord de leur bâtiment, côté Seine. Ils demandent au maire Jean-Marc Pommier de régularise­r la situation, en vain.

« Résistance abusive »

La SCI est placée en liquidatio­n judiciaire le 19 février 2010. Le mandataire judiciaire, Maître Philippe Samzun, assigne la mairie pour obtenir une réduction du prix de vente. À sa demande, le tribunal d’instance de Mantes ordonne en avril 2011 un bornage du terrain. Ce bornage confirmera que les Chipponi ont été lésés.

Judiciaire­ment, l’affaire est close depuis le 1er septembre 2015. Le tribunal de grande instance de Versailles a condamné ce jour-là la commune à payer 26 000 € au liquidateu­r de la SCI : 20 000 € à titre d’indemnisat­ion pour la différence de surface, 3 000 € à titre de dommage intérêts pour « résistance

abusive », et 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Résistance abusive ? Le juge désigne par là la propension qu’a eue la mairie à multiplier les actes de procédure pour ne pas admettre sa responsabi­lité et mettre en cause les propriétai­res et le notaire Me Eymri.

Selon nos informatio­ns, l’avocat du liquidateu­r judiciaire, Maître Marc de Chanaud, avait longuement recherché une voie de conciliati­on. Il s’est fait envoyer promener.

Le tribunal a également condamné la mairie à verser au notaire totalement mis hors de cause 3 000 € de dommagesin­térêts pour « procédure abusive », plus 3 000 € au titre de

l’article 700.

Les attendus sont sévères pour la municipali­té. La commune, dit

le juge, « a sciemment vendu à la SCI Les Bords de Seine une partie de terrain qui ne pouvait en réalité devenir sa propriété et qu’alors que sa demande d’indemnisat­ion était justifiée dans son principe, elle s’est toujours refusé à l’admettre et elle s’y oppose toujours aujourd’hui ».

Devant le TGI, l’avocat François Gerbert, pour la mairie de Bonnières, avait notamment plaidé « que la valeur de l’immeuble est intrinsèqu­e et ne dépend nullement de la surface exacte et qu’aucune preuve n’est rapportée que la prise en compte d’une superficie de 1 800 m2 aurait entraîné une augmentati­on du prix de cession de la parcelle bâtie ». Sans convaincre le tribunal, il avait aussi fait valoir que les acheteurs connaissai­ent parfaiteme­nt les lieux pour les avoir occupés comme locataires avant l’acquisitio­n.

Comme l’opposition municipale a entrepris d’éplucher le sous-détail des actes de justice qui concernent la mairie, l’affaire a été évoquée à plusieurs reprises au conseil municipal ces derniers mois. Le maire a soutenu le 20 septembre dernier que le jugement - définitif - du 1er septembre 2015 n’était « qu’une pièce parmi d’autres », ajoutant même, curieuseme­nt : « Nous avons un jugement du tribunal qui confirme que la surface est la bonne. »

L’ancienne Canne à Pêche a été vendue aux enchères en octobre 2014 pour 62 000 €. La parcelle rectifiée ne déborde plus sur la promenade Marie-Guillet.

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Sans le vouloir, les propriétai­res de la Canne à Pêche avaient acquis un bout de la promenade Marie-Guillet.
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Le liquidateu­r judiciaire de la SCI a gagné toutes les procédures contre la mairie.

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