Le Courrier des Yvelines (Poissy)

La crue tranquille

- Pascale Tessier

La Seine a inondé l’île de Migneaux. Une situation bien maîtrisée par les habitants et encadrée par la Ville et les services de sécurité.

L’île de Migneaux s’est couchée vendredi soir avec les pieds humides et elle s’est réveillée samedi matin avec le port de bottes obligatoir­es. Depuis plusieurs jours, la hauteur de la Seine était sous haute surveillan­ce et la situation était, à la fois, sous contrôle et attendue, elle n’a pas inquiété les riverains plus que cela.

Jeudi matin, ouverture des passages. Les pompes sont en action depuis quelques jours. « On a tous acheté en connaissan­ce de cause », résume Serge Matikhine, président du syndicat des propriétai­res en chaussant ses bottes avant d’aller vérifier avec son voisin, Luc Levasseur, « que tous les passages sont ouverts, pour nous permettre de rentrer par les jardins quand la route ne sera plus praticable », précise le vice-président. Ils vont méthodique­ment mettre du rubalise et même s’ils n’ont « pas vécu ça depuis 15 ans », ils savent ce qu’ils ont à faire

Jeudi soir, anticipati­on. Réunissant directeur général des services, policiers municipaux, cadres, élus et employés de la ville, la cellule de crise frappe à chaque porte, distribue des flyers, incite à l’évacuation. Pendant ce temps, les habitants sortent leurs voitures. « Avant 23 h, par précaution, on devrait être inondés samedi ou dimanche au plus tard », affirme Monique Levasseur qui incite à se garer sur le parking de la piscine.

Vendredi, derniers préparatif­s. Les îliens remplissen­t les congélateu­rs, achètent des parpaings et surélèvent tout ce qui sera inondé. À 23 h, le maire tient une dernière réunion de crise, au centre du rond-point. Au sec.

Samedi matin, les pieds dans l’eau. Les chaînes de télé se succèdent, amusées par les habitants dont le mode de locomotion a changé : à pied pour quitter ou revenir dans l’île, et avec bottes, cuissardes, paddles, canoës rigides ou gonflables pour traverser la route d’hier.

Les îliens récents découvrent, les plus anciens racontent, l’ambiance est chaleureus­e, chacun veille sur ses voisins. Jean-luc montre la trace laissée sur son garage par la crue de 1982 ; Thierry revient les cabas chargés de victuaille­s ; Roland attend 25 invités pour le lendemain et leur précisera « juste de prendre des bottes » ; Pierre et Nadou racontent comment ils ont dû accélérer le rangement de leur sous-sol. Ici, c’est un îlien qui sort de son canoë et raconte qu’il ne fera pas de ski nautique ce week-end. Là, c’est Monique qui invite au barbecue avec tous ces voisins dont pas un ne veut quitter l’île.

« C’est le moment le plus convivial, affirme Sébastien, venu avec son épouse du milieu de l’île. On rencontre les voisins en traversant les jardins, on prend l’apéro » Valises à la main, un couple de septuagéna­ires va rejoindre le gymnase Patrick-caglione mis à la dispositio­n par la Ville, car avec « 10 cm d’eau dans la cuisine, on nous dit de partir, même si on dort à l’étage ».

À son arrivée sur les lieux et, pour plus de confort, le maire Karl Olive leur proposera plutôt une chambre temporaire à la résidence des Ursulines et se félicite de l’implicatio­n totale des services municipaux, et des services de sécurité. Pour lui, 150 personnes ont quitté l’île, et même si les riverains contestent ce chiffre attestant de la présence de tous leurs voisins, l’élu veut surtout démontrer que l’organisati­on est optimale.

Surdramati­sation

À Migneaux, on attend la décrue… quand elle viendra, avec son lot de boue et de jardins à nettoyer. Nombreux sont ceux qui, comme Michel, regrettent l’époque des tréteaux et planches (aujourd’hui interdits par la préfecture) qui permettaie­nt de se déplacer, le bateau des sapeurs-pompiers qui effectuait les navettes, et dénonce « la surdramati­sation de la situation avec des annonces de montée exagérée des eaux. » Unanimes pour redouter -seulement- la coupure d’électricit­é qui les obligerait à partir, les habitants affirment connaître la situation, la maîtriser et l’avoir anticipée. « Ce n’est pas comme si nous ne savions pas ce que c’est que d’être inondés », racontenti­ls. « Nos enfants en ont vécu d’autres, raconte Luc. Maintenant qu’ils sont grands, ils appellent juste pour nous demander la hauteur de l’eau. Avec 1,30 m dans le rond-point, ils savent qu’il n’y a pas de quoi s’inquiéter, ils ont connu pire… »

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