Le Courrier des Yvelines (Poissy)

L’exaspérati­on des policiers

- Francine Carrière

A l’issue de la marche blanche, les mots du commandant Bruno Estèbe, adjoint à la sûreté urbaine de Mantesla-jolie, en poste depuis 2005, ont résonné durement. Bruno Estèbe dirige une unité dans laquelle Jean-baptiste Salvaing, son ami, avait travaillé pendant 7 ans avant de rejoindre les Mureaux. Il a évoqué le chagrin des policiers venus rendre hommage à leurs collègues « assassinés lâchement », mais aussi « leur colère et leur exaspérati­on ». « Quand vous avez vu les deux enfants de mon collègue, quand vous avez vu ce petit garçon de trois ans qui était hier à la minute de silence avec son frère aîné. Il n’a plus aucun repère. Il va être séparé de sa famille. Ce petit garçon, tout ce à quoi il se raccroche, c’est son frère aîné. C’est une catastroph­e. Comment voulez-vous que nous ne soyons pas en colère ».

« Je ne vais pas faire un discours syndicalis­te, mais cette exaspérati­on gagne l’ensemble des effectifs parce que les policiers sont pris à partie de tous les côtés, lors des manifestat­ions, lors des interventi­ons de police. Nous avons de plus en de difficulté­s à exercer nos missions. La réponse [NDLR : celle du ministère de l’intérieur] n’est plus adaptée », a-t-il déclaré en se faisant le porte-parole de ses collègues. « Nous avons des procédures très compliquée­s tellement lourdes qu’elles nous empêchent de travailler sereinemen­t. Nous nous sentons complèteme­nt abandonnés », a-t-il ajouté avant de poursuivre : « Les policiers n’ont pas peur. Ils continuero­nt à faire leur travail. Mais cela devient extrêmemen­t délicat d’exercer notre mission au quotidien. On ne peut pas être au travail et avoir la tête à la maison en train de se demander si nos familles vont avoir des problèmes ».

Les policiers locaux ne savent rien des fichés S

Le commandant Estèbe estime qu’il y a « certaineme­nt eu des manquement­s car cette opération c’était une opération ciblée ». « Il va falloir qu’on trouve. Il faut que l’on sache. L’enquête est en cours, il va falloir que l’on nous donne des réponses. Nous ne pourrons pas nous contenter des « je ne sais pas » que nous avons eus jusqu’à présent ».

L’autorisati­on du port d’arme accordé en dehors des heures de service pendant la durée de l’état d’urgence ne suffit pas selon lui. « Nous rentrons tous armés », souligne-t-il.

Le commandant évoque la nécessité de mettre en place des procédures simplifiée­s pour que les policiers puissent travailler rapidement. « Nous devons pouvoir interpelle­r plus fréquemmen­t et avoir ensuite des réponses adaptées de la part de la justice ».

Il souligne aussi le fait que la communicat­ion avec les services spécialisé­s de lutte antiterror­iste ne se fait pas. « Certes, c’est dans un souci de discrétion. Nous avons très certaineme­nt des personnes qui sur notre secteur sont ciblées comme étant de potentiels terroriste­s, mais nous ne les connaisson­s pas. Nous n’avons pas connaissan­ce des personnes fichées S dans notre secteur. Nous n’avons pas de liste. »

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