Le Courrier des Yvelines (Poissy)
Stanislas Likiernik, une histoire au destin hors norme
Né en Pologne en 1923, Stanislas Likiernik a participé à la résistance polonaise durant la Seconde Guerre mondiale et à l’insurrection de Varsovie. Cet habitant de Marly-le-roi, auteur du livre Une jeunesse polonaise en 1995, revient sur son destin hors n
Dans le quartier des Grandesterres à Marly-le-roi habite un homme de 93 ans pas tout à fait comme les autres. Stanislas Likiernik a la démarche hésitante et l’oreille un peu dure - quoi de plus normal pour un homme de son âge -, mais garde un regard sur le monde, une prestance et une façon de s’exprimer qui font de lui un personnage hors du commun.
Stanislas Likiernik, c’est l’histoire d’un homme qui a vécu l’horreur de la guerre, a participé à l’insurrection de Varsovie, a vu mourir bon nombre de ses amis les uns après les autres. Mais n’a jamais perdu celle qui a été pour lui une alliée fidèle : la chance. « J’aurais dû être tué dix fois, quinze fois, sûrement plus, assure-t-il calmement. Une chance incroyable, voilà comment je résumerais mon existence. C’est incompréhensible. Il y a peut-être un ange gardien qui s’occupait de moi. »
Miraculé lors de l’insurrection de Varsovie
Né à Garwolin (Pologne) en 1923, près de Varsovie, Stanislas Likiernik a vécu une enfance heureuse à Konstancin (ville jumelée avec Saint-germainen-laye depuis 1992). Mais l’attaque d’hitler en Pologne en septembre 1939 change la donne. Insouciant, il n’imagine alors pas le pire. « Je n’avais pas peur du tout, probablement par manque d’imagination. Je ne me voyais jamais blessé, souffrant, saignant », racontet-il dans Une jeunesse polonaise, un livre autobiographique paru en 1995. La suite sera hélas moins rose avec l’arrestation de son père, les fusillades, les rafles… « J’ai failli être emporté. Pour les Allemands, la vie des Polonais ne comptait pas. Nous étions plus ou moins traités de la même façon que les Juifs. » La guerre est terrible et il faut aussi lutter contre le froid avec des températures de moins 30 degrés. « Sans les hivers froids, Hitler aurait gagné. Les Allemands étaient avec leurs chars dans la neige. »
En août 1944 éclate l’insurrection de Varsovie. « Nos chefs étaient des imbéciles, il aurait fallu la commencer dix jours plus tard. Nous n’avions pas le soutien des Russes à ce moment-là. Je voyais les avions passer au-dessus de ma maison et les bombes qui tombaient. Il y avait des bombardements tous les trois quarts d’heure. » En une dizaine de jours, onze de ses amis sont tués. Comme de nombreuses fois auparavant, Stanislas Likiernik sera sauvé par la chance. Le 4 août, il est sérieusement blessé lors d’une explosion. À l’hôpital, un chirurgien lui arrache des morceaux de tôle incrustés dans son dos et dans sa cuisse. « Je me suis retrouvé à poil sur un lit, se rappelle-t-il. D’un coup, les Allemands sont arrivés et se sont mis à tuer tous les blessés. Deux infirmières m’ont mis sur un brancard et m’ont emporté en courant. Il se trouve que j’avais rencontré l’une d’elles chez des amis en commun et que l’on avait même dansé ensemble. C’est ce qui m’a sauvé la vie. » Même gravement blessé, Stanislas Likiernik a toujours eu une tendresse particulière pour ses infirmières : « Toutes les jeunes filles infirmières ont été pour moi d’une beauté d’anges. Et cela pendant tous mes séjours dans les hôpitaux : sept en tout au cours de l’insurrection. »
Arrivée en France en 1946
Après la capitulation allemande, Stanislas Likiernik prend la direction de la France où il arrive en 1946. Il s’inscrit rapidement à Science Po où les débuts sont difficiles : « C’était épouvantable. J’avais de bonnes idées mais ce n’était pas structuré. Je me suis fait démolir. » Grâce à une amie d’école, il rencontrera celle qui deviendra sa femme, Annie, avec qui il aura deux enfants. Le plus dur pour Stanislas sera de trouver un métier correct. « Quand je suis retourné en Pologne en 1957, j’ai été reçu comme un roi. Mais en France, je n’étais rien. » Après dix années mitigées chez Arianex, il se remet en question : « Ou je trouve un travail intéressant d’ici trois mois ou je me classe moi-même parmi les pauvres types », dit-il à sa femme en 1959. Grâce à une annonce dans le journal Le Monde, il décroche finalement un poste de directeur adjoint dans l’usine Philips de Bobigny où il restera jusqu’à sa retraite en 1976. C’est également en 1959 qu’il pose ses valises à Marly-le-roi avec femme et enfants. Un havre de paix où il vivra jusqu’à son dernier souffle. « Aujourd’hui, mes enfants vivent assez loin, parfois je m’ennuie un peu, avoue-t-il. Est-ce qu’il y a quelque chose après la mort ? J’ai du mal à y croire. J’étais très pieux quand j’étais jeune mais je ne le suis plus depuis mes 17 ans. » Une dernière confidence qui résume bien le personnage, attachant avec un caractère bien trempé.