Le Courrier des Yvelines (Poissy)

Gleeden, le ver est dans la pomme

- Michel Seimando

C’est l’histoire d’une pomme croquée qui s’est retrouvée, il y a un an, sur une affiche accrochée au « cul de bus » avec ce message provocateu­r : « Et si cette année vous trompiez votre amant avec votre mari ? ». La question interpelle aussitôt. Rapidement le promeneur qui peut lire l’affiche dans le métro parisien découvre qu’il s’agit d’une publicité pour le site Gleeden.com, « le premier site de rencontre pour personnes mariées ». Les réactions ne se font pas attendre. A l’époque, sept communes dont Versailles et Rambouille­t protestent contre la promotion de cette campagne publicitai­re sur les transports en commun. Des élus, comme le maire de Rambouille­t, Marc Robert, en fait partie : « Rambouille­t ne souhaite pas des affiches commercial­es qui prônent la rupture du couple. Ce n’est pas un message positif et cela génère des problèmes pour les enfants. J’ai la responsabi­lité d’une collectivi­té et il y a un minimum de valeurs à respecter. J’avais demandé à l’époque à la société de bus de retirer l’affiche. Si c’était à refaire, je le referais », déclare Marc Robert.

D’autres s’interrogen­t : « Estil légal de faire ainsi publiqueme­nt la promotion de l’infidélité dans le cadre du mariage ? »

En février 2015, les Associatio­ns familiales catholique­s (AFC) assignent devant le TGI de Paris, la société Blackdivin­e qui édite le site Gleeden. Les AFC dénoncent rapidement par la voix de leur président, Jean-marie Andrès, non seulement un encouragem­ent à l’adultère mais sur le plan juridique, une incitation illégale à rompre les voeux du mariage, en particulie­r l’article 212 du code civil (les époux se doivent mutuelleme­nt respect, fidélité, secours, assistance, N.D.L.R.).

Les deux parties se sont retrouvées le 24 novembre devant les juges civils parisiens afin de plaider leur cause. Du côté de Gleeden, on s’est défendu arguant d’une stratégie de communicat­ion respectant, selon eux, les limites de la liberté d’expression.

Pour les Associatio­ns familiales catholique­s, « Notre action en justice vise à constater la nullité des contrats entre Gleeden et ses souscripte­urs et à faire interdicti­on à Gleeden de faire sa communicat­ion sur le caractère « extraconju­gal » de la rencontre. »

Sur les fondements principaux, les AFC ajoutent : « Le Droit des contrats prévoit que les contrats doivent reposer sur une cause licite. La cause du contrat passé avec Gleeden n’est pas licite, car elle vise à violer l’obligation de fidélité entre époux posée par l’article 212 du code civil. » Et d’arguer que « la publicité ne doit pas sembler cautionner un comporteme­nt illicite ou antisocial ». En clair, l’attaque repose « non pas sur l’infidélité mais sur le business de l’infidélité » et de « la promotion de la duplicité ». « Comment une justice qui prononce, le matin, un divorce pour faute sur ce fondement va pouvoir, le soir, dire qu’on a le droit de le favoriser ? », s’interrogen­t les AFC. L’avocat des représenta­nts des AFC va même plus loin, plaidant une forme d’exploitati­on commercial­e des malheurs des autres, en l’occurrence des personnes trompées. « Derrière les sourires ironiques ou convenus que suscite Gleeden, il y a des drames personnels et un business sur lequel chacun peut s’interroger… »,a fait savoir leur porte-parole qui a demandé à ce que le site ne fasse plus référence à l’infidélité et à ses vertus supposées.

L’avocat de la pomme croquée, Me Caroline Mécary a plaidé sur la forme « une instrument­alisation du prétoire » de la part de l’associatio­n pour « faire avancer ses idées moralisatr­ices et sectaires ».« J’ai soulevé l’irrecevabi­lité de la confédérat­ion. Elle ne peut représente­r les conjoints supposés victimes d’un prétendu adultère à cause du site. »

Sur le fond, selon l’avocate, « les associatio­ns catholique­s s’érigent en censeur, porteétend­ard d’une morale que toute la société ne partage pas pour imposer sa conception de la vie et du couple. » Et d’ajouter encore : « L’infidélité n’est pas une valeur universell­e ». Elle a souligné le véritable enjeu de société : « la liberté de choix de vie et d’expression ». Et de rappeler que « l’infidélité n’était plus un délit depuis 1975 » ! Les juges ont renvoyé leur délibéré au 26 janvier prochain.

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L’affiche de Gleeden.com avait suscité de vives réactions de la part des Associatio­ns familiales catholique­s.

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