Le Courrier des Yvelines (Poissy)

L’interpella­tion sur le camp de gitans dégénère : six mois à un an de prison

- Renaud Vilafranca

Quatre personnes d’une même famille de gens du voyage étaient jugées, mercredi 14 décembre, par le tribunal correction­nel de Versailles. Le père, deux de ses filles et sa belle-fille, se trouvaient dans le box des prévenus après des violences commises sur des policiers dans leur camp de Saint-germain-de-la-grange.

Le 2 novembre dernier en début d’aprèsmidi, cinq fonctionna­ires du commissari­at de Plaisir se rendent sur place pour enquêter sur un vol de moto. Ils interpelle­nt le fils du prévenu, 17 ans, suspecté dans cette affaire. Michel, 52 ans, son papa, vient récupérer le téléphone de son enfant, alors qu’il est assis dans le véhicule de police. Un fonctionna­ire de la brigade anticrimin­alité demande qu’il lui remette l’appareil, celui-ci pouvant s’avérer utile dans l’enquête sur le vol.

Le sexagénair­e refuse et s’énerve. À plusieurs, les policiers tentent de le maîtriser. Il les repousse, les invective, donne des coups et ameute le reste du camp. « Tu vas crever. Je vais te mettre une balle dans la tête », a-t-il crié à l’attention d’un membre des forces de l’ordre.

Un attroupeme­nt se forme. C’est alors que Anaïs et Allisson, ses filles, et Cindy, sa belle-fille, entre en scène. Les trois jeunes femmes, âgées de 20 à 22 ans, insultent les fonctionna­ires et les menacent de représaill­es : « On va diffuser votre photo à tous les gens du voyage. Comme ça, quand ils vous croiseront sur la route, ils vous écraseront », a notamment lancé l’une d’elles, en prenant des clichés avec son téléphone. Les trois femmes jetteront aussi des cailloux en direction des forces de l’ordre. Deux fonctionna­ires ont été blessés au visage, recevant un et deux jours d’incapacité.

Près d’une heure de heurts

La tension est à son comble sur le camp. Michel a été maîtrisé, à l’aide d’un Taser. Mais les insultes, les menaces et la pluie de cailloux continuent. Les prévenues, aux allures d’adolescent­es fragiles, sont entrées dans une rage folle. Rien ne peut les arrêter. Alors que des renforts sont arrivés, Allisson saisit une grosse pierre pour frapper un policier. Elle est maîtrisée à son tour.

Après plus de quarante-cinq minutes de heurts, les policiers ont préféré quitter le camp avec leur cible initiale. Ils convoquent leurs assaillant­s quelques jours plus tard.

Placés en garde à vue, le père, « incapable » de travailler après un grave accident de la route, et les trois femmes reconnaiss­ent en partie les faits. Déféré une première fois en comparutio­n immédiate, mi-novembre, le quatuor a demandé le report de l’audience. Il a été placé en détention provisoire dans l’attente de cette échéance.

Mercredi, à l’audience, ils se sont montrés tout penauds. « Quand j’ai vu mon père par terre, j’ai paniqué, argumente timidement Allisson, mère de deux jeunes enfants. J’ai lancé des gravillons en l’air. Je n’ai pas visé directemen­t les policiers. » Les deux autres prévenues adopteront la même ligne de défense. « Je reconnais avoir été malpolie avec ces messieurs, sanglote Cindy, petite blonde aux traits enfantins. J’ai dit aux policiers qu’il est malade du coeur. J’ai jeté ces gravillons pour les faire reculer… J’ai eu peur. » Anaïs, enceinte, et décrite comme faisant partie des « plus excités », relativise totalement son agressivit­é, concédant, du bout des lèvres, leur avoir adressé un doigt d’honneur et quelques insultes.

Les prévenus minimisaie­nt les menaces proférées à l’encontre des agents de police. « Chez nous, on jure les morts. Ce n’est pas une insulte », assurait Michel, également poursuivi pour des violences. « Mon client est polytrauma­tisé, après un accident de la route, a plaidé son conseil. Quand les policiers ont voulu lui passer les menottes, il était transi de douleurs, incapable de se contrôler. Il se débattait, il ne voulait pas frapper. »

Les trois jeunes femmes, inconnues de la justice jusque-là, ont été condamnées à six mois de prison et laissées libres. Le père, déjà connu, a écopé d’un an de prison ferme avec incarcérat­ion immédiate.

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