Le Courrier des Yvelines (Poissy)
« La présidentielle échappe au dynamisme de l’abstention »
Céline Braconnier, la directrice de Sciences-po Saint-germain-en-laye publie avec Jean-yves Dormagen un livre intitulé La démocratie de l’abstention. L’élection présidentielle jusque-là épargnée par l’abstention va-t-elle devenir comme les autres ?
Vous expliquez que l’abstention ne touche pas jusque-là l’élection présidentielle.
Jusqu’à aujourd’hui, à part deux cas - le second tour de la présidentielle de 1969 (31 %) et le 1er tour en 2002 (28 %) - l’abstention à une élection présidentielle approche les 20 %. Cette élection échappe au dynamisme de l’abstention qui progresse à chaque élection législative, régionale, européenne ou départementale. Si l’on prend l’élection européenne, c’est moins d’un Français sur trois qui vote. Il ne faut pas oublier non plus les non-inscrits, environ 7 %. Cet indicateur très important vient d’évoluer puisque L’INSEE a indiqué que les non-inscrits représentaient 11 % soit près de 6 millions de Français. Il faut aussi parler des 9 millions de personnes qui ne sont pas au bon endroit pour voter. Ici la mobilité résidentielle explique en partie la non-inscription sur les listes électorales. Qu’est-ce qui explique l’abstention ?
Les facteurs de cette démobilisation électorale tiennent à plusieurs causes : l’évolution de l’offre politique (notamment la faible différenciation entre la gauche et la droite de gouvernement), au manque d’exemplarité avec l’apparition des affaires, mais aussi à la transformation des univers de travail (la précarité et le chômage) et de la famille (mobilité des individus, isolement…). La procédure d’inscription est compliquée. Il y a moins d’incitation à voter. Auparavant dans les années 60, nous avions les partis politiques, les associations qui parlaient du vote. Aujourd’hui, c’est la famille qui seule stimule le vote. Les environnements n’offrent plus cette stimulation politique. Il faudrait inciter davantage les Français, rappeler le vote, en allant les voir et en organisant des débats sur des sujets qui intéressent les gens. Et pourtant, on ne regarde pas l’élection présidentielle comme les autres.
Nous observons, il est vrai, une augmentation de l’intermittence électorale mais pas de rupture. La présidentielle reste une élection à forte intensité. Les grands médias en parlent. Il y a de ce point de vue-là un phénomène présidentiel. Ce phénomène entraîne des micropressions : on en discute en famille ; on vote en couple. Il y a un effet d’entraînement. La personnalisation très forte des candidats explique aussi cette intensité. Pourtant, cette année la campagne a été pourrie par les affaires.
Vous avez raison. L’offre est flottante. La certitude du choix n’est peut-être pas aussi forte mais il faut faire attention. Si l’on prend le candidat Fillon avec l’affaire qui le concerne, sa mise en examen etc. son électorat plus âgé rassemble les personnes qui votent en général le plus. Je pense qu’il y aura peu de risque pour que son électorat se démobilise. Par ailleurs, nous allons avoir des débats, l’intensité va augmenter plus on s’approche du scrutin. Ça peut encore changer.