Le Courrier des Yvelines (Poissy)

3 et 5 ans de prison pour les caïds après un tabassage

- David Goudey

Des cris, des insultes et des menaces. Le procès sous haute surveillan­ce de cinq dangereux criminels accusés d’avoir passé à tabac un autre détenu de la centrale de Poissy, le 29 novembre, s’est achevé dans le tumulte et la fureur, le 29 mars devant la 6e chambre du TGI de Versailles.

L’affaire avait débuté le 28 novembre. Ce jour-là, Jeanluc Bonnivert, incarcéré depuis 14 ans, se bat avec Jean-marie Martin, en prison pour vol en bande organisée et séquestrat­ion. Le lendemain, dans les douches, Jean-luc tombe dans un guet-apens. Il est d’abord frappé à coups de poing puis à coups de pied par trois hommes avant d’avoir le bras brisé par un coup de latte de bois provenant d’un banc.

La victime, placée à l’isolement depuis les faits, se verra prescrire 45 jours d’incapacité totale de travail. « Ce n’était pas loyal, alors je les ai dénoncés », a répété Jean-luc à l’audience. Il identifie ses agresseurs comme étant Jean-marie Martin, El Hadi Ghariani, incarcéré lui pour trafic de drogue et pour avoir fait assassiner un indic de la police, et Nicolas Perrotte, qui purge une peine pour violences, séquestrat­ion et associatio­n de malfaiteur­s. Deux témoignage­s, l’un recueilli sous X, l’autre relaté par le détenu (et ami de la victime) qui a interrompu « le massacre », confirment les déclaratio­ns de Jean-luc mais impliquent aussi deux autres personnes, qui auraient fait le guet. Il s’agit de Dominique Battini, l’artificier de l’évasion

CARRIÈRES-SUR-SEINE

du braqueur Antonio Ferrara, transféré depuis au centre pénitentia­ire d’alençon-condésur-sarthe (Orne), et de Fayçal Belguebi, écroué pour un meurtre en bande organisée.

Les accusés ont tous nié avoir participé ou être impliqués dans ce lynchage en règle. « Je me demande ce que je fais ici », a même répété trois fois Battini. Jean-marie Martin n’a pas reconnu non plus l’altercatio­n et la bagarre du 28 novembre. « Il est gitan comme moi. Il avait des problèmes par rapport à des dettes de drogue. Je n’ai pas voulu l’aider. Pour moi, il a voulu se venger. » Jean-luc Bonnivert, lui, a confirmé que ce 28 novembre les deux hommes s’étaient battus parce qu’il avait omis de dire bonjour.

Les prévenus et leurs avocats avaient de solides arguments pour instiller le doute dans l’esprit des juges. Belguebi, soupçonné d’avoir donné le feu vert pour l’agression, a affirmé qu’il était au moment des faits à la salle de musculatio­n puis au gymnase. « On signe un carnet, avec une date et une heure, il y a des surveillan­ts. Pourquoi l’administra­tion pénitentia­ire ne fait pas son boulot et ne communique pas ces éléments ? Pourquoi ils ne transmette­nt pas les images de vidéosurve­illance ? Si j’ai fait quelque chose, on me voit forcément. Tout ça est un mensonge. C’est comme si je vous amenais une prostituée et que je vous disais qu’elle est vierge, vous ne pourriez pas me croire. »

Lorsque la procureure a demandé 7 ans, sans différenci­er les responsabi­lités des uns et des autres, un premier avocat a qualifié le réquisitoi­re de « caricature ». Le second a dépeint un dossier scandaleux. « Deux mois de prison par jour D’ITT, je hurle. Il n’y a jamais eu de confrontat­ion avec le principal témoin. Il a fallu attendre deux semaines pour que l’enquête débute. On est capable d’envoyer des sondes en mouvement autour de comètes et on nous dit ici qu’on n’a pas d’images des caméras, rien ! Le doute est écrasant. Les éléments de preuve ne sont pas réunis. Vous ne pouvez pas les condamner ! »

45 jours D’ITT pour le détenu Les accusés nient Un dossier à charge ? « Béance de l’accusation »

Les plaidoyers ont tourné clairement au réquisitoi­re contre l’administra­tion pénitentia­ire et le ministère public. « Tout est complèteme­nt pourri dans ce dossier, a enchaîné l’assistante de Me David, retenu en Gironde par un procès aux assises. On a fait une enquête à charge. Vu la béance de l’accusation, je ne peux demander que la relaxe ! » « Affirmer n’est pas démontrer, a poursuivi enfin l’avocat de Battini. Les témoignage­s ne suffisent pas. Il n’y a pas une vidéo, pas d’empreintes, pas D’ADN, donc pas de preuves. »

Après s’être retirés pendant près d’une demi-heure pour délibérer, les juges sont revenus annoncer leur verdict, froidement. Ce sera 5 ans pour Jean-marie Martin, El Hadi Ghariani et Nicolas Perrotte, 3 ans pour Dominique Battini et Fayçal Belguebi. « T’es mort, je te le promets », a éclaté l’un des caïds, les yeux dans les yeux avec Jean-luc. « On va te tuer et tu vas voir ta famille, on va s’en occuper maintenant », a ensuite lâché une femme.

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